Le calme troublant du jour après une nuit terrifiante

Deux hommes observent le désastre, du haut d’une des nombreuses collines qui entourent Port-au-Prince.
Photo: Agence Reuters Carlos Barria Deux hommes observent le désastre, du haut d’une des nombreuses collines qui entourent Port-au-Prince.

En écrivant ces mots, je désobéis à une promesse. Le vendredi le 8 janvier, des dizaines de policiers québécois en mission au sein de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH) ont organisé une soirée afin de souligner la fin de leurs neuf mois en Haïti. L'un d'eux, Jacques Pendleton m'a dit: «Promets-moi de ne pas parler de nous. Nous avons eu le mandat le plus facile de l'histoire des missions en Haïti.» Quatre jours plus tard, le 12 janvier, un tremblement de terre historique. Résultat: une nuit entière à sortir des corps des ruines d'une ville qu'ils ne reconnaissent plus.

La nuit a été longue à Port-au-Prince. Le tremblement de terre a eu lieu alors que la nuit s'installait sur la capitale. Difficile d'aider les blessés dans cette noirceur. Pour le policier Jorge Perdome, du Service de police de la Ville de Montréal, le séisme a été rapide et surprenant. «Les gens venaient nous voir en criant. Ils nous donnaient des enfants blessés afin qu'on leur vienne en aide. On ne savait pas quoi faire. On était nous mêmes sous le choc du tremblement», dit-il.

En poste à Port-au-Prince depuis juin 2009, la représentante de Solidarité union coopération (SUCO) venue donner sa présence à l'ambassade était encore sous le choc. «Ç'a été très surprenant. Mes meubles, mes livres et toute ma vaisselle sont tombés par terre. Il y avait beaucoup de gens dans la rue. Ils ne savaient pas quoi faire. Ils marchaient et cherchaient», explique Suzanne Louchard. Par chance, la structure de son logement n'a pas été touchée. «J'ai décidé d'accueillir toute la famille de mon gardien à la maison. Il ne savait pas où aller», dit-elle, la voix encore tremblotante.

«Je ne sais pas quoi faire. Je vais suivre les consignes de l'ambassade du Canada. Je suis prête à attendre trois jours. D'ici vendredi, il faut une décision sur notre évacuation. Pour le moment, les gens sont calmes. Mais avec les corps dans les rues, il risque d'avoir un désordre social et un climat difficile», explique-t-elle, espérant par son témoignage rassurer les membres de sa famille sur son état.

La nuit a été beaucoup plus pénible pour un groupe de voyageurs séjournant à l'hôtel Montana. À peine arrivé à Port-au-Prince du vol d'Air Canada AC-950 dans l'après-midi, leur séjour s'est abruptement terminé sous les décombres. «C'était affreux. On est des miraculés. Au lieu d'aller prendre une douche et se préparer pour aller dîner, on a décidé d'aller à la piscine. On venait à peine de sortir de notre chambre quand l'hôtel est tombé en ruines. Dix minutes de plus, et on ne serait plus là», lance d'un calme terrifiant Jacques Désilet.

Devant leurs yeux, les pieds dans la piscine, l'hôtel Montana s'est écroulé comme un château de cartes. «C'est un Haïtien qui est venu nous prendre par la main pour nous emmener vers l'ambassade du Canada. C'est comme s'il sortait des anges dans le noir prêts à venir nous aider. La marche de l'hôtel Montana à l'ambassade du Canada est une chose que je n'oublierai jamais», confie Martine Garneau.

«C'est la poussière qui m'a marquée. On ne voyait rien. Et on entendait plusieurs bruits. Je me suis sentie impuissante et en même temps miraculée, explique Colette Gendron, venue en mission d'aide pour cinq mois. On vient pour les aider parce qu'ils sont dans le besoin. Et en une minute, ils viennent de faire un pas en arrière.»

En poste depuis quatre ans au service de l'ambassadrice canadienne à Port-au-Prince, Roselyne Beaulieu tentait de rassurer les Canadiens qui venaient tranquillement se rapporter. «L'ambassade est assez touchée. Nous sommes en train de la vider et plus personne ne va y avoir accès», explique-t-elle, indiquant que plusieurs groupes d'aide sont encore sur le terrain à la recherche des Canadiens inscrits sur les listes officielles. Selon les informations, 800 Canadiens sont inscrits à Port-au-Prince, pour un total de 1000 personnes à l'échelle d'Haïti.

À 11h, ils étaient un peu plus d'une centaine de Canadiens à s'être rapportés à l'ambassade. Plusieurs personnes avaient passé la nuit sur le terrain ou avaient dormi dans les voitures. «Les gens viennent tranquillement et ils sont très calmes», constate Roselyne Beaulieu.

Dans les rues de Port-au-Prince, les gens marchaient tranquillement pour quitter la ville dans un calme et un silence désarmants. Des corps se trouvaient encore sur les trottoirs, recouverts d'un drap blanc.

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