La Cour suprême brésilienne confirme l'intégrité d'une réserve indigène

Ils étaient venus des confins de l'Amazonie jusqu'à la capitale brésilienne, Brasília, pour assister, en tenue traditionnelle et coiffés de plumes, à ce jugement «historique». La Cour suprême du Brésil statuait depuis mai sur le sort de leur réserve, Raposa Serra do Sol, située dans l'extrême nord du pays, dans l'État amazonien de Roraima, à la frontière avec le Venezuela et le Guyana.
Rendu jeudi, son verdict devrait mettre fin à des décennies de conflit entre Indiens et Blancs: éleveurs, orpailleurs et maintenant riziculteurs, qui ont successivement occupé la réserve, en toute illégalité. Ces 30 dernières années, 21 indigènes ont été tués. Par dix voix contre une, la cour a décidé de maintenir les limites actuelles de la réserve. Et les six grands riziculteurs blancs qui ne l'ont pas encore évacuée devront le faire immédiatement. «C'est une victoire pour tous les Indiens du Brésil, jubile Ivaldo Macuxi, le chef indigène de Raposa Serra do Sol, joint par Libération par téléphone. Si le verdict avait modifié le tracé de notre terre ancestrale, toutes les autres réserves du pays auraient pu être remises en cause.»La réserve, 17 000 km2, est habitée par près de 19 000 Indiens de cinq ethnies différentes. Pour leurs adversaires, c'est trop de terre pour si peu de monde. Pour leurs défenseurs, telle l'avocate Ana Paula Souto Maior, de l'ONG Instituto Socioambiental, «ces étendues sont nécessaires à la préservation de leur mode de vie et de leur culture, un droit garanti aux Indiens par la Constitution brésilienne».
La Cour suprême avait été saisie par un sénateur du Roraima, qui contestait un décret de 2005 par lequel le président Lula avait reconnu la réserve. Faisant écho à la classe politique locale et aux riziculteurs, il revendiquait la réduction et le démembrement de la réserve, afin d'exclure de son tracé les plantations de riz, qui représenteraient 7 % du PIB du Romaira et ne peuvent être déplacées, faute de terres.
Frontière
La cour a néanmoins édicté 19 exigences qui vaudront aussi pour toutes les autres réserves du pays. Parmi elles, la possibilité pour l'armée d'entrer librement — sans prévenir les Indiens au préalable — pour protéger la frontière. L'idée est d'apaiser les craintes d'une partie de l'état-major, pour qui cette réserve, située à la frontière du pays, constituerait une menace à la sécurité et à la souveraineté nationales. Depuis que Lula a reconnu Raposa Serra do Sol, la plupart des 176 familles blanches qui l'occupaient l'ont quittée. Seuls les riziculteurs ont fait de la résistance. Leur départ ne fera pas que des heureux parmi les Indiens. Certains d'entre eux travaillent pour eux et craignent de perdre leur emploi.