Bogotá veut poursuivre Chávez pour soutien à un génocide

Le président colombien Alvaro Uribe a annoncé hier son intention de dénoncer son homologue vénézuélien Hugo Chávez devant la Cour pénale internationale pour soutien et financement de génocide, mettant de l'huile sur le feu dans la crise qui l'oppose à ses voisins vénézuélien et équatorien.
Les tensions étaient déjà montées d'un cran après la rupture par Caracas et Quito des liens diplomatiques avec Bogotá et l'expulsion des diplomates colombiens, en dépit des appels au calme lancés par les pays de la région.L'incursion colombienne de samedi en territoire équatorien, qui a mené au décès d'un des dirigeants des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) Raul Reyes, suscite des questions à mesure que les informations sur le dossier des otages sont connues.
Ainsi hier, le ministère français des Affaires étrangères a affirmé que les autorités colombiennes «étaient au courant» des contacts de la France, l'Espagne et la Suisse avec le numéro deux des FARC Raul Reyes dans le cadre des efforts pour libérer la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt.
«Dans le cadre de la facilitation que nous faisions: Espagne, Suisse et France, nous avions des contacts avec Raul Reyes et je peux vous dire que les Colombiens étaient au courant», a dit à la presse la porte-parole du ministère, Pascale Andréani. «Il y a eu beaucoup de contacts jusqu'à l'événement que nous connaissons», a-t-elle ajouté en référence à la mort de Reyes.
Le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner a craint lundi que la mort de Reyes ne soit «une mauvaise nouvelle» pour les otages en Colombie. «Évidemment, ce n'est pas une bonne nouvelle que le numéro deux, Raul Reyes, l'homme avec qui nous parlions, l'homme avec qui nous avions des contacts, ait été tué», a déploré M. Kouchner. Le président équatorien Rafael Correa a affirmé lundi que l'élimination de Raul Reyes était intervenue alors que «des conversations étaient assez avancées pour libérer en Équateur 11 otages, dont Ingrid Betancourt».
La plupart des pays d'Amérique du Sud ont dénoncé l'incursion en territoire équatorien de l'armée colombienne. Hier, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a accusé la Colombie d'avoir violé la souveraineté territoriale de l'Équateur et a appelé les pays sud-américains à trouver une solution pacifique à la grave crise régionale.
«C'est un fait que la Colombie a violé la souveraineté territoriale de l'Équateur. Cela a d'ailleurs été reconnu par le président colombien Alvaro Uribe», a dit Lula au cours d'une brève rencontre avec la presse à Campinas, à 100 km de São Paulo.
D'après lui, la Colombie aurait d'abord dû demander aux autorités équatoriennes d'arrêter les guérilleros des FARC qui étaient sur son territoire.
Le Brésil agira avec les autres chefs d'État sud-américains en vue de parvenir à une solution pacifique, a affirmé Lula, car, selon lui, la région «n'est pas préparée pour des conflits et ne veut pas de conflits».
Après son passage hier à Lima, le président équatorien Rafael Correa était attendu hier soir à Brasilia où il rencontrera Lula ce matin, dans le cadre d'une tournée régionale qui le conduira également au Venezuela, au Panama et en République dominicaine.
Pour leur part, les États-Unis ont apporté hier leur «soutien total» à la Colombie et prévenu le Venezuela qu'ils s'opposaient fermement à tout acte d'agression.
M. Bush a appelé hier matin son homologue colombien Alvaro Uribe. «Le message de notre pays au président Uribe et aux Colombiens, c'est que nous sommes au côté de notre allié démocratique», a-t-il ajouté.
Les autorités vénézuéliennes avaient déjà rejeté les accusations de Bogotá et appelé la communauté internationale à concentrer son attention sur l'«agression» de la Colombie. «Leurs mensonges ne trouveront pas d'écho dans le monde car l'information, la condamnation, l'inquiétude dans le monde, [...] c'est que la Colombie a envahi l'Équateur, a bombardé l'Équateur, c'est cela la nouvelle», a déclaré le ministre de l'Agriculture Elias Jaua, un proche de Chávez.
L'Organisation des États américains (OAE), la plus haute instance diplomatique de la région, s'est réuni hier à Washington pour réclamer un règlement pacifique de la crise. Elle devait également examiner des preuves apportées par la Colombie sur les prétendus versements d'argents effectués par le président vénézuélien aux FARC.
Bogotá a continué de plaider sa cause auprès de la communauté internationale, en insistant sur la menace posée par la guérilla colombienne. Devant la Conférence sur le désarmement des Nations unies à Genève, le vice-président Francisco Santos a déclaré que les guérilleros cherchaient à fabriquer «une bombe sale» au moyen de matériaux radioactifs et faisaient ainsi planer une menace sur toute l'Amérique latine.
Malgré l'attitude des trois gouvernements et le risque d'actions militaires, plusieurs politologues ont estimé improbable le déclenchement d'un conflit régional. Selon eux, Chávez peut difficilement se priver des importations alimentaires de Colombie, alors que son pays est en proie à des pénuries chroniques de vivres.