Des informations américaines à l'origine du raid colombien - Le climat s'envenime entre Bogotá, Caracas et Quito

La vive crise diplomatique entre le Venezuela et l'Équateur d'un côté et la Colombie de l'autre n'a pas montré de signe d'apaisement hier, les trois voisins latino-américains multipliant les déclarations belliqueuses tout en appelant la communauté internationale à jouer les arbitres.

La crise a été provoquée par l'attaque lancée samedi par Bogotá contre un camp des FARC en Équateur, lors de laquelle le numéro deux du groupe rebelle, Raul Reyes, a été tué.

Alors que Caracas et Quito rompaient leurs relations diplomatiques avec Bogotá, un haut responsable du ministère colombien de la Défense a déclaré hier que le raid de l'armée colombienne a été déclenché à la suite d'une information des renseignements américains. «Les États-Unis ont fourni aux services de renseignement de la police [colombienne] l'identification du téléphone satellitaire» de Reyes, leur permettant de le localiser, a indiqué cette source qui a demandé l'anonymat.

Le directeur de la police colombienne, Oscar Narnajo, a admis de son côté hier que les services colombiens avaient conclu «une alliance très forte avec les agences fédérales des États-Unis». «Ce n'est pas un secret», a-t-il dit lors d'une conférence de presse à Bogotá.

Bogotá, qui a présenté ses excuses pour le raid, a justifié hier l'opération en faisant valoir que le droit international autorisait de telles actions contre des «terroristes». «Nous avons toujours été respectueux du principe de non-ingérence», a assuré le vice-président colombien, Francisco Santos, devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU à Genève.

La Colombie a accusé l'Équateur d'avoir permis à la rébellion marxiste de trouver refuge sur son territoire et affirmé que le président vénézuélien Hugo Chavez avait versé 300 millions de dollars aux guérilleros sur la base de documents découverts dans les effets de Reyes.

Le chef de la police colombienne, le général Oscar Naranjo, a indiqué que des documents découverts dans trois ordinateurs appartenant à Reyes, faisaient état de contacts entre un important ministre équatorien et le chef des FARC, à propos de projets frontaliers. Il a ajouté plus tard dans la journée que d'autres documents attestaient de versement effectués par Chavez au bénéfice des FARC. Le président équatorien Rafael Correa, a démenti avec force les accusations de Bogotá, les qualifiant de «totalement fausses».

Quito a pour sa part accusé la Colombie d'avoir délibérément violé sa souveraineté et envoyé 3200 soldats dans la province de Sucumbios, située à la frontière avec la Colombie. L'Équateur a appelé les gouvernements d'Amérique latine à faire pression sur Bogotá pour qu'il ne renouvelle pas cette «agression».

Le président Chávez a également envoyé des blindés à la frontière avec la Colombie et menacé de riposter si la Colombie menait une opération similaire sur son sol.

Le ministre des Affaires étrangères du Brésil, poids lourd diplomatique de la région, a condamné hier l'attaque lancée samedi par la Colombie en Équateur. «La violation d'un territoire est très grave et doit être condamnée», a déclaré Celso Amorim à Brasilia.

Au Chili, la présidente, Michelle Bachelet, a jugé que la situation «méritait une explication de la Colombie aux Équatoriens et à l'ensemble de la région». Le thème dominera probablement le sommet du groupe de Rio, vendredi à Saint-Domingue. Hier, le président équatorien Rafael Correa, en Conseil de sécurité, préparait encore une réponse aux accusations de Bogotá.

Le Brésil a annoncé qu'il allait tenter, avec d'autres pays d'Amérique latine, de trouver une issue diplomatique à cette crise. «Nous allons mobiliser toute la force de la diplomatie brésilienne et d'autres capitales sud-américaines pour faire baisser la tension et trouver une solution», a déclaré le conseiller pour les affaires étrangères de la présidence brésilienne, Marco Aurelio Garcia, dans une interview à la radio CBN.

M. Garcia a expliqué que le président Luiz Inacio Lula da Silva avait prévu de téléphoner hier à son homologue argentin Cristina Fernandez et que le Chili souhaitait participer à cet effort diplomatique. Il a ajouté que le chef de la diplomatie brésilienne, Celso Amorim, était déjà en contact avec les gouvernements équatorien et colombien afin de mener des efforts coordonnés.

Les États-Unis ont pour leur part appelé la Colombie et l'Équateur à résoudre leur différend par le dialogue et non par les armes, et invité les autres pays à ne pas s'en mêler, un message visant plus directement le Venezuela.

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