Colombie - Raul Reyes ou la mort d'un «marxiste-léniniste pur et dur»

Le numéro 2 des des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), Raul Reyes, tué samedi par l'armée colombienne à l'âge de 59 ans, était, comme il se présentait lors de ses rares rencontres avec des journalistes, «un marxiste-léniniste pur et dur formé à la vieille école soviétique».

Reyes est mort au milieu de la nuit d'une balle dans la tête, vêtu d'un t-shirt à l'effigie du fondateur de la guérilla. Le porte-parole international des FARC, qui échappait depuis des années aux attaques de l'armée, a succombé tôt samedi matin, après un bombardement et le débarquement de troupes héliportées.

«C'est le plus gros coup jamais porté aux FARC», annonçait à Bogotá, quelques heures plus tard, le ministre de la Défense, Juan Manuel Santos.

Raul Reyes, ancien gendre du chef de la guérilla, Manuel Marulanda, comptait parmi les aspirants à sa succession: il était l'un des sept membres de la direction des FARC, le «secrétariat». Luis Edgardo Devia — de son vrai nom, ancien conseiller municipal communiste, donnait fréquemment des interviews à propos de la quarantaine d'otages politiques et militaires de l'organisation, comme Ingrid Betancourt.

Cela faisait des mois que la police colombienne épiait ses mouvements. Elle connaissait la région où il recevait journalistes et médiateurs — les jungles du sud du pays, non loin de la frontière avec l'Équateur — et resserrait sa toile grâce aux écoutes de son téléphone satellitaire et à un fonds de récompenses aux informateurs. C'est un coup de fil passé par Reyes mercredi, après plusieurs semaines de silence, qui aurait permis de retrouver sa trace. L'arrestation presque simultanée de membres de son réseau aurait permis de recueillir des informations décisives pour décider l'attaque, samedi matin «à 0h25», contre un campement situé officiellement sur le sol colombien.

Mais le chef a été tué ensuite avec 16 membres de son escorte, au-delà de la frontière. Sur les lieux, l'armée équatorienne aurait trouvé, quelques heures plus tard, des «cadavres en sous-vêtements dans un campement improvisé». «Il n'y a eu aucune poursuite dans le feu de l'action», s'est emporté à Quito le président socialiste Rafael Correa, pour qui il y a eu une «violation» préméditée du territoire.

Au-delà des conséquences diplomatiques, des proches de familles d'otages craignent un durcissement de la guérilla autour des otages. Le commandant était un contact privilégié de Noël Saez, l'émissaire français dans le dossier Betancourt, et les prochains médiateurs pourraient réfléchir à deux fois avant de se risquer à nouveau dans la jungle. «Je me demande si l'armée n'a pas profité des contacts de Reyes avec des facilitateurs» pour le localiser, a déclaré, inquiet, Carlos Lozano, ancien intermédiaire avec les FARC.

Le chef guérillero, harcelé par l'armée, avait déjà en partie passé la main à un autre membre du secrétariat: Ivan Marquez, qui a rencontré le président vénézuélien Hugo Chávez à Caracas en novembre. C'est cette rencontre qui avait ouvert la voie à la libération de Clara Rojas et de Consuelo Gonzalez, en janvier, puis celle de quatre ex-parlementaires mercredi dernier. Mais après «l'assassinat» de Reyes, le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Nicolas Maduro, a dénoncé une «gifle» aux efforts de médiation.

Maintenant Bogotá espère pousser les FARC à d'autres concessions en maintenant la pression militaire. Juan Manuel Santos a encore rejeté la semaine dernière la principale exigence des FARC pour réaliser un échange de prisonniers: le retrait des troupes de deux municipalités comme siège des négociations. Mais la position des FARC risque de ne pas évoluer, jugeait ce week-end Orlando Beltran, l'un des libérés: «Je l'ai observé en captivité, quand un guérillero meurt, ils l'enterrent, ils le remplacent... et ils continuent.» D'autres coups durs portés aux guérilleros, ces derniers mois, n'avaient pas provoqué de durcissement des conditions de détention.

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