Cuba sous le choc de l'absence de Fidel Castro au défilé

Au lendemain du défilé militaire, plusieurs théories circulaient hier à La Havane quant à l’état de santé du «Comandante».
Photo: Agence Reuters Au lendemain du défilé militaire, plusieurs théories circulaient hier à La Havane quant à l’état de santé du «Comandante».

La Havane — Cuba était sous le choc après le rendez-vous manqué samedi de Fidel Castro au défilé militaire en son honneur et se préparait, non sans inquiétude, à entrer dans une phase nouvelle sous la conduite de son frère Raul, gardien déclaré de la «continuité révolutionnaire».

Contre l'attente de la plupart des Cubains et des invités étrangers, le vieux dirigeant, au repos depuis plus de quatre mois, ne s'est pas montré en public sur la place de la Révolution, ni n'a fait parvenir un quelconque message.

Dernier survivant de la guerre froide, à la tête de l'unique régime communiste restant du monde occidental, Fidel Castro avait lui-même donné rendez-vous au 2 décembre à son peuple et à ses amis étrangers pour fêter ses 80 ans, un anniversaire qu'il avait dû repousser le 13 août, depuis son lit d'hôpital.

Du coup, l'imposante parade militaire, suivie du défilé coloré de 300 000 civils sous la tribune où siégeait Raul Castro, prévue en hommage à son frère aîné âgé de 80 ans, a pris des allures d'adieux incertains au chef historique de la Révolution cubaine, en dépit des assurances officielles qu'«il reviendra».

Hautement symboliques, son absence et son silence samedi ont relancé les interrogations sur l'état réel de la santé d'un octogénaire qui, après une vie menée tambour battant, a dû être opéré d'urgence d'une hémorragie intestinale aux causes mystérieuses. Et, plus de quatre mois après, il n'a pas été jugé à même par ses médecins de rester assis en plein air à la tribune durant les deux heures de la cérémonie.

«Il n'était pas en état de supporter le voyage» entre le palais présidentiel et la tribune, a estimé pour sa part un vieil expert étranger du régime, qui a demandé l'anonymat et a averti: «Attention, on n'est pas encore dans l'après-fidélisme, tant que Fidel sera vivant.»

«Un état grave»
Hier, il ne faisait pas de doute pour un diplomate occidental que le dirigeant cubain était dans «un état grave», même si la prudence s'imposait encore en raison du «secret d'État» qui entoure sa maladie, et de son goût pour les coups de théâtre.

Dans la population — 70 % des Cubains n'ont connu d'autre chef de l'État que Fidel Castro — la consternation s'est imposée devant les téléviseurs samedi. «C'est pas bon, c'est pas bon. S'il était rétabli, il serait là, au premier rang!», s'est exclamée Angelina, une Cubaine de 65 ans, entourée de ses voisins dans la vieille ville de La Havane.

Hier, Guadalberto, 55 ans, «fideliste à mort», s'est déclaré inquiet: «Bien sûr que je suis inquiet. C'est le "Comandante". Et je suis inquiet aussi de ce qui peut arriver», a-t-il déclaré depuis son austère petit appartement de 30 m2.

Ministre de la Défense, c'est Raul Castro qui a donné le départ du défilé militaire, avant de tendre la main, dans un discours d'une demi-heure, aux États-Unis pour les inviter à résoudre par la négociation le conflit vieux d'un demi-siècle entre les deux pays voisins.

Le numéro deux cubain semble devoir assumer une véritable transition et non plus le simple intérim qu'il exerce depuis juillet. En dépit des attentes réelles d'une bonne part de la population en faveur de changements, son credo déclaré est la «continuité révolutionnaire» sous la conduite du Parti communiste. «À Cuba, il n'y aura pas de succession, il y aura continuité. Un autre Fidel est impossible, personne ne l'imitera», a déclaré le vice-président Carlos Lage.

Pour les opposants cubains, réduits à une semi-clandestinité sous les coups de boutoir du régime, Raul Castro à la tête de l'État signifie «plus de dureté encore que ce qui serait raisonnable», selon Manuel Cuesta Morua, un modéré du courant social-démocrate. «Raul Castro va commencer à gouverner sans la mystique et le pouvoir symbolique de Fidel, et il va agir avec beaucoup plus de dureté encore contre l'opposition», a-t-il déclaré.

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