Chávez appelle l'opposition à se ranger

Caracas — Convaincu d'être réélu à l'élection de dimanche, le président vénézuélien Hugo Chávez a prié hier l'opposition «antidémocratique et fasciste», coalisée autour du social-démocrate Manuel Rosales, d'avoir la décence, pour le bien du pays, de reconnaître sa défaite à l'issue du scrutin.
La façon qu'a M. Chávez de dire les choses en dit long sur le ton de la campagne qui s'achève au Venezuela et sur la crainte de troubles postélectoraux.L'opposition, appuyée par les principaux journaux et réseaux de télévision privés avec une énergie qui sombre parfois dans la désinformation, n'a pas été en reste, elle qui considère le président sortant comme un dangereux communiste et comme une menace tous azimuts à la démocratie vénézuélienne.
Intarissable comme l'est son ami Fidel Castro, M. Chávez a tenu hier une conférence de presse de plus de trois heures au palais présidentiel de Miraflores, à Caracas, devant 200 journalistes des médias nationaux et internationaux, enfilant les tirades anti-impérialistes — il a répété que George W. Bush est un «diable» pour la planète — et faisant longuement l'éloge de la «révolution bolivarienne» qu'il guide depuis huit ans pour mettre fin à la pauvreté.
Dans les cercles les plus radicaux de l'opposition, a-t-il déclaré, on entendrait coûte que coûte refuser de reconnaître sa victoire le 3 décembre et soutenir qu'elle est le résultat d'une vaste fraude électorale.
Un complot, est-il allé jusqu'à dire, aurait même été ourdi — et déjoué — parmi ces «radicaux de la droite» pour attenter à la vie de Manuel Rosales et en attribuer la responsabilité intellectuelle aux chavistes.
M. Chávez n'a pas exclu hier de déployer «en dernier recours»
l'armée dans les rues s'il jugeait que la situation postélectorale l'exigeait.
L'opposition a deux fois tenté, avec la bénédiction tacite des États-Unis, de renverser Hugo Chávez: en 2002 par coup d'État et en 2004 par référendum révocatoire. Toujours très populaire auprès des Vénézuéliens des quartiers pauvres, le président sortant, qui brigue un nouveau mandat de six ans, demeure en tête dans la plupart des sondages, qui lui ont donné jusqu'à 20 points d'avance sur M. Rosales. Encore que cet écart, selon certaines indications, tendrait à se réduire. D'autres sondages, montés en épingle par les médias de l'opposition, placent les deux hommes au coude à coude. Gouverneur depuis 12 ans de l'État pétrolier de Zulia, M. Rosales, soutenu par les élites d'affaires et la classe moyenne, a fait une bonne campagne, largement fondée, comme celle de M. Chávez d'ailleurs, sur l'urgence d'utiliser l'immense richesse pétrolière du pays pour améliorer le sort de la grande part des 28 millions de Vénézuéliens qui vivent dans une pauvreté endémique.
Entre deux blagues et deux bouts de chansons — d'une aisance incroyable, il a fredonné hier, en conférence de presse, quelques airs latinos —, Hugo Chávez a dit de l'«impérialisme américain» qu'il avait fait plus de mal à l'Amérique latine que 300 ans de colonialisme espagnol. Et quand il a traité, en septembre dernier, M. Bush de «diable» et de promoteur d'une «démocratie des bombes» devant l'Assemblée générale des Nations unies, «ça venait du coeur, ça n'avait pas été prémédité».
Si, en outre, M. Bush croyait vraiment en la démocratie, a estimé M. Chávez, il aurait démissionné après la défaite des républicains aux législatives du 7 novembre dernier au Congrès.