Bénin: soigner les terres grâce aux maraîchères

Anne-Hélène Mai
Collaboration spéciale
À Kpékpédè, dans le département des Collines, SUCO tente de sensibiliser les maraîchères à l'usage des intrants organiques.
Photo: Photo fournie À Kpékpédè, dans le département des Collines, SUCO tente de sensibiliser les maraîchères à l'usage des intrants organiques.

Ce texte fait partie du cahier spécial Solidarité internationale

Au Bénin, SUCO mène plusieurs projets sur les fronts de la résilience aux changements climatiques et de la mise en place de systèmes alimentaires fiables. L’organisation de coopération internationale, fondée à Mont­réal en 1961, se donne aussi comme mission de renforcer le leadership des femmes dans les pays d’Afrique de l’Ouest, où elle intervient.

En 2021, SUCO s’est rendu dans le département des Collines, au centre du Bénin. « C’est le grenier du pays, explique Geneviève Talbot, chargée de programmes du pôle Afrique de l’organisme. On y cultive du mil, de l’arachide, du riz, du maïs, du manioc… Cette région nourrit la population. » Mais la qualité des sols se dégrade, poursuit-elle, expliquant que le Bénin est un pays producteur de coton, et qu’il s’agit d’une des cultures demandant le plus d’intrants chimiques.

Par ailleurs, la pratique de l’agriculture sur brûlis et la fabrication de charbon entraînent une rapide déforestation : dans la région des Collines, près de 25 % du couvert forestier a été perdu depuis l’an 2000, selon Global Forest Watch. Tout cela a aussi des conséquences sur les cours d’eau, alors que les changements climatiques causent déjà une diminution des précipitations. « Les changements pluviométriques et les extrêmes de température font en sorte que les producteurs et productrices agricoles ne savent plus quand planter et quand récolter », résume Mme Talbot.

Intrants organiques

 

Avec leur partenaire local, l’Association de lutte pour un développement intégré et pour la protection de l’environnement (ALDIPE), SUCO a accompagné une soixantaine de maraîchers de la commune de Dassa, dont une majorité de femmes, dans l’adoption de pratiques agroécologiques pour restaurer les écosystèmes. « Dans des champs témoins, on a planté du maïs sans intrant chimique : on a utilisé des légumineuses locales, telles que de la mucuna et du pois d’angole, comme intrants organiques, relate Christelle Ouattara, qui représente SUCO au Bénin. On a aussi mis en avant la fabrication et l’utilisation d’urée comme fertilisant », tout cela dans le but d’enrichir la terre en azote.

« Nous voulions que les productrices voient la différence dans la production et qu’elles puissent ensuite prendre des décisions éclairées dans leurs pratiques, indique Mme Ouattara. Les villageois ont constaté une meilleure productivité : le sol a pris une couleur plus foncée, il gagne en fertilité et abrite plus de biodiversité. »

Pour garantir un maintien à long terme de cette approche, les meneurs du projet ont formé des « relais environnementaux », principalement des femmes, qui ont été davantage formées et qui agiront comme références auprès des producteurs et productrices, ainsi que comme intervenantes dans les écoles.

Difficile accès à la terre

Car faire des femmes des actrices de changement est central dans la mission de SUCO. « On appuie toujours des organisations de femmes qui oeuvrent déjà sur place », précise Geneviève Talbot, qui coordonne les initiatives depuis Montréal. Au Bénin, les femmes ont un accès limité aux terres : elles ne peuvent être propriétaires et dépendent donc de leur mari, de leur père ou de leur frère.

« Les hommes ont des cultures de rente, de coton, par exemple, qui rapportent plus d’argent. Les femmes ont les cultures maraîchères, qui permettent de nourrir la famille », souligne-t-elle, ajoutant qu’elles récupèrent les terrains dont les hommes ne veulent pas se servir, qui sont moins arables ou situés dans des lieux plus difficiles d’accès.

« Qui plus est, elles ont moins accès à la main-d’oeuvre ; le travail de la terre est exigeant, mais les besoins en ressources humaines des femmes vont passer après celui des terres de rente. »

SUCO et l’ALDIPE travaillent donc à fortifier la capacité des femmes à produire et à commercialiser leurs récoltes afin qu’elles acquièrent une crédibilité au sein de leur communauté et qu’elles aient plus de poids dans les prises de décision. « Pour contrecarrer les enjeux d’accès à la terre, notre partenaire, l’ALDIPE, achète des terrains qui deviennent des terres collectives et dont l’accès est garanti aux femmes par l’organisation », indique Mme Talbot.

Cette année, SUCO s’est aussi lancé dans un projet d’éducation à la citoyenneté mondiale dans la région du Zou, au Bénin. L’organisme veut former des comités scolaires de jeunes filles pour lutter contre les violences basées sur le genre. Plus au sud, dans la région de Lokossa, parcourue d’un réseau de lacs et de lagunes, un autre projet est consacré aux femmes fumeuses de poissons. SUCO espère les aider à améliorer leurs techniques de fumage afin de les rendre moins nocives pour leur santé et pour l’environnement.

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

À voir en vidéo