Les violences au Darfour font plus de 210 morts

Au moins 213 personnes ont été tuées en quatre jours de violences au Darfour, selon les autorités de cette région de l’ouest du Soudan, des heurts condamnés par l’ONU, qui a réclamé mercredi une enquête « rapide » et « indépendante ».
Ces violences ont débuté vendredi dans la ville de Krink, majoritairement habitée par la tribu des Massalit, et se sont propagées vers Al-Genaïna, la capitale du Darfour-Ouest, à quelque 80 km.
Selon l’ONG Coordination générale pour réfugiés et déplacés du Darfour, les violences ont éclaté lorsque des combattants armés issus de tribus arabes ont attaqué des villages de la minorité ethnique massalit en représailles à la mort jeudi de deux de leurs membres. Elles se poursuivaient mercredi, notamment à Al-Genaïna, où des « tirs intenses » ont semé la panique, a indiqué dans un communiqué le porte-parole de l’organisme, Adam Regal.
Qualifiant la situation de « très dangereuse », il a parlé d’« une catastrophe d’ordre humanitaire aux conséquences inimaginables ».
Le bilan le plus lourd a été enregistré dimanche avec « 201 morts et 13 blessés », a affirmé mardi le gouverneur du Darfour-Ouest, Khamis Abkar, dans une vidéo accusant les forces gouvernementales de s’être « retirées sans aucune justification » de Krink alors que les combats s’intensifiaient. La ville « a été complètement détruite, y compris les institutions gouvernementales », a-t-il déploré, dénonçant « un crime contre l’humanité ».
L’ONG Médecins sans frontières a quant à elle affirmé que des hôpitaux avaient été attaqués et que du personnel médical avait été tué.
Consternation
À Genève, la haute-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a fait part mercredi de sa consternation face aux violences au Darfour.
Le Conseil de sécurité s’est quant à lui réuni d’urgence à huis clos à la demande du Royaume-Uni, de l’Albanie, de la France, de l’Irlande, de la Norvège et des États-Unis. Aucun texte condamnant les tueries n’a cependant été publié à l’issue de cette séance. Des discussions se poursuivent, a indiqué à l’AFP un ambassadeur sous couvert d’anonymat.
« J’appelle les autorités soudanaises à mener des enquêtes rapides, complètes, impartiales et indépendantes sur ces attaques et à demander des comptes à tous les responsables », a déclaré Mme Bachelet.
Des témoins ont accusé la milice janjawid, force supplétive du gouvernement soudanais, d’avoir orchestré les violences. Ces dernières années, ces miliciens longtemps utilisés par le dictateur Omar el-Béchir ont rejoint par milliers les forces dirigées par le général Mohammed Hamdane Daglo, numéro deux du pouvoir militaire en place depuis le putsch d’octobre à Khartoum.
Appels à l’aide
Depuis le début des violences, de plus en plus de voix s’élèvent au Darfour pour demander à la communauté internationale de protéger les civils.
Des dignitaires massalit ont notamment appelé mercredi le Conseil de sécurité de l’ONU à placer leurs villages sous « protection internationale ». Selon un diplomate à New York s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, aucune « discussion portant spécialement sur ce point » n’a toutefois eu lieu.
Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines de maisons incendiées lors de plusieurs épisodes de violence au Darfour ces derniers mois. Des heurts entre éleveurs arabes et agriculteurs africains pour des disputes sur l’accès à l’eau et aux terres ont notamment causé la mort de près de 250 personnes entre octobre et décembre, selon un syndicat de médecins prodémocratie.
La région a été ravagée par une guerre civile déclenchée en 2003 entre le régime à majorité arabe et les insurgés issus de minorités ethniques qui dénoncent des discriminations. Environ 300 000 personnes sont mortes et près de 2,5 millions ont été déplacées durant les premières années du conflit, d’après l’ONU.
Le Soudan, sorti en 2019 de 30 années de dictature sous Omar el-Béchir, reste englué dans un marasme politique et économique depuis le coup d’État d’octobre.