Que se passe-t-il au Tchad, exactement?

L’armée a annoncé le 20 avril que le président Idriss Déby Itno avait été touché mortellement, alors qu’il visitait des troupes qui combattaient les rebelles au nord de la capitale. Les circonstances exactes de sa mort demeurent toutefois nébuleuses.
Photo: Sunday Alamba Associated Press L’armée a annoncé le 20 avril que le président Idriss Déby Itno avait été touché mortellement, alors qu’il visitait des troupes qui combattaient les rebelles au nord de la capitale. Les circonstances exactes de sa mort demeurent toutefois nébuleuses.

La mort du président tchadien Idriss Déby Itno a laissé le pays entre les mains de son fils Mahamat, un premier changement en plus de 30 ans à la tête de ce pays d’Afrique centrale qui a pour voisins certains des pays les plus instables du monde. Voici un aperçu de la situation du Tchad et des menaces qui planent sur la région.

Qu’est-il arrivé exactement au leader du Tchad ?

L’armée a annoncé le 20 avril que le président Idriss Déby Itno avait été touché mortellement, alors qu’il visitait des troupes qui combattaient les rebelles au nord de la capitale. Les circonstances exactes de sa mort demeurent toutefois nébuleuses. L’armée admet officiellement avoir seulement perdu cinq hommes lors de combats qui auraient fait quelque 300 morts parmi les insurgés.

M. Déby, un ancien commandant de l’armée âgé de 68 ans, visitait régulièrement les lignes de front. Des experts se demandent toutefois comment un personnage aussi important a pu être tué lors d’une bataille que l’armée dominait apparemment aussi facilement.

Donc, qui contrôle le pays aujourd’hui ?

L’armée a formé un conseil pour superviser une transition de 18 mois et placé le fils de 37 ans de M. Déby aux commandes.

Le conseil transitoire a aussi annoncé que le poste de premier ministre irait à un ancien candidat présidentiel de l’opposition, Albert Pahimi Padacké, qui a terminé deuxième lors du scrutin présidentiel du 11 avril. Cette décision semble avoir été prise pour calmer l’opposition, qui maintient que le président de l’Assemblée nationale aurait dû être nommé président intérimaire, en respect avec la constitution.

Mahamat Idriss Déby Itno répète qu’il n’a pas d’ambitions politiques à long terme, mais plusieurs Tchadiens remarquent que son père avait environ le même âge que lui quand il a renversé le président Hissène Habré et qu’il est ensuite resté au pouvoir pendant plus de 30 ans.

Les rebelles pourraient-ils vraiment attaquer la capitale ?

Des rebelles tchadiens se sont déjà rendus jusqu’à N’Djamena : ils ont même atteint le palais présidentiel en 2008, avant d’être refoulés jusqu’à la frontière avec le Soudan.

Les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) menacent de marcher sur la capitale depuis plus d’une semaine. Ils avaient précédemment annoncé qu’ils attendraient après les funérailles de M. Déby, vendredi, mais on est sans nouvelles d’eux depuis plusieurs jours.

Le porte-parole militaire du Tchad a annoncé dimanche que certains rebelles s’étaient repliés vers le Niger voisin et qu’ils étaient loin de la capitale.

Un représentant des rebelles réfute ces allégations, affirmant à l’Associated Press qu’ils ont toujours l’intention de marcher vers la capitale si aucun accord n’est conclu.

Cela semble peu probable. Le général Azem Bermandoa Agouma a déclaré dimanche que ce n’est pas le moment de négocier « avec des bandits ».

Qui sont ces rebelles, au juste ?

Le groupe est dirigé par Mahamat Mahdi Ali, qui a formé FACT après s’être séparé d’un autre groupe rebelle tchadien basé en Lybie, l’Union des forces pour la démocratie et le développement.

Les objectifs énoncés par FACT jusqu’à présent sont purement politiques : après avoir tout d’abord voulu chasser Idriss Déby Itno, ils veulent maintenant se débarrasser de son fils.

Le gouvernement intérimaire du Tchad accuse toutefois les rebelles d’avoir conclu des alliances dangereuses avec les djihadistes et les trafiquants qui rôdent près de la frontière entre le Tchad et le Niger.

Un porte-parole militaire prétend aussi que Mahamat Mahdi Ali a été accusé de crimes de guerre dans le sud de la Libye, où le groupe s’est entraîné pendant plusieurs années avant d’entrer sur le territoire du Tchad plus tôt ce mois-ci.

FACT compterait entre 1000 et 1500 hommes, selon l’International Crisis Group. Des rebelles provenant d’autres groupes pourraient avoir gonflé ses rangs au cours des derniers jours.

Quel est le rôle de la France dans tout ça ?

Le Tchad était une colonie française jusqu’en 1960, et la force antiterroriste régionale française y est toujours basée.

La France voit le Tchad comme un allié de premier plan, puisque le pays a fourni des soldats pour une dangereuse mission onusienne de maintien de la paix dans le nord du Mali, où une intervention militaire française a délogé des djihadistes en 2013.

 

La France a demandé une transition rapide vers un gouvernement civil, mais elle semble pour le moment heureuse avec le choix du fils de M. Déby comme leader intérimaire pour empêcher de déstabiliser le pays.

La France semble aussi fournir des renseignements à l’armée tchadienne. Les rebelles affirment avoir été survolés par des avions français. La France nie avoir procédé à des frappes aériennes, comme elle l’avait fait contre d’autres rebelles en 2019.

Quel est l’impact sur les voisins du Tchad ?

Sous le règne de M. Déby, l’armée tchadienne a contribué non seulement aux opérations de maintien de la paix dans le nord du Mali, mais aussi à une force régionale de sécurité contre le djihadisme, le G5 Sahel. Plus tôt cette année, le Tchad a annoncé l’envoi de 1200 hommes dans une région instable où se rejoignent le Burkina Faso, le Mali et le Niger.

Certains craignent qu’un conflit prolongé au Tchad puisse affaiblir la lutte régionale contre al-Qaïda et le groupe armé État islamique en forçant le rappel au pays de certaines unités.

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