Un chef émerge parmi les militaires insurgés au Mali

Un colonel de l’armée malienne, Assimi Goita, s’est présenté mercredi comme le nouvel homme fort à Bamako, au lendemain du coup d’État ayant renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta, un putsch unanimement condamné par la communauté internationale.
« Je me présente : je suis le colonel Assimi Goita, le président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) », a déclaré à la presse cet officier supérieur qui était apparu dans la nuit de mardi à mercredi à la télévision nationale aux côtés d’autres militaires, sans prendre la parole.
Il a estimé que son pays se trouvait « dans une situation de crise sociopolitique, [de crise] sécuritaire », et qu’il n’avait « plus le droit à l’erreur ».
L’opposition malienne s’est félicitée mercredi du coup d’État militaire, estimant qu’il avait « parachevé » sa lutte pour obtenir le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta et se disant prête à élaborer avec la junte une transition politique. Elle s’est dite prête à fêter vendredi « la victoire du peuple malien ».
La coalition d’opposition du M5-RFP « prend acte de l’engagement » du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), « créé par les militaires désormais au pouvoir », d’ouvrir une transition politique civile, a-t-elle indiqué dans un communiqué.
Putsch condamné
Le colonel Goita ne pourra pas compter sur la moindre indulgence de la communauté internationale, qui a unanimement condamné le putsch.
Les pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont demandé la « libération immédiate » du président Keïta, arrêté mardi par les militaires, et ont « souligné la nécessité pressante de rétablir l’État de droit et d’aller vers un retour de l’ordre constitutionnel ».
Fortement engagée dans la région du Sahel, où elle combat les groupes djihadistes qui ont contribué à déstabiliser le Mali, la France a, par la voix du président Emmanuel Macron, a estimé que « la lutte contre les groupes terroristes et la défense de la démocratie et de l’État de droit sont indissociables ».
« En sortir, c’est provoquer l’instabilité et affaiblir notre combat. Ce n’est pas acceptable », a-t-il poursuivi sur Twitter, en appelant à ce que le pouvoir soit « rendu aux civils ».
L’Union africaine a, de son côté, suspendu le Mali « jusqu’au retour de l’ordre constitutionnel » et demandé « la libération du président […] du premier ministre et des autres responsables du gouvernement arrêtés par la force par l’armée ».
L’Union européenne a réclamé la libération « immédiate » des dirigeants arrêtés et un « retour immédiat de l’État de droit ». « La stabilité de la région et du Mali, la lutte contre le terrorisme doivent demeurer des priorités absolues », selon elle.
L’Algérie, qui partage 1400 kilomètres de frontière avec le Mali et a joué un rôle important dans les pourparlers de paix dans le pays, « réitère son ferme rejet de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement ».
Ces condamnations n’ont pas dissuadé le colonel-major Ismaël Wagué, porte-parole du Comité national pour le salut du peuple, de demander à ses compatriotes de « vaquer librement à leurs occupations ». Il a aussi demandé « d’arrêter immédiatement les actes de vandalisme et de destruction des édifices publics ». Des manifestants ont incendié mardi le cabinet d’avocats de l’ex-ministre de la Justice Kassim Tapo.
Ismaël Wagué n’a en revanche rien dit sur le président Keïta, dit IBK, ni sur le chef du gouvernement, Boubou Cissé, toujours au camp militaire de Kati, le quartier général des auteurs du coup d’État, près de Bamako.
Le calme a régné mercredi dans la capitale, qui portait encore les stigmates des incidents ayant ponctué ce renversement de pouvoir. Les habitants de Bamako ont vaqué à leurs occupations, mais les administrations et les banques étaient fermées.
Le président Keïta, élu en 2013 puis réélu en 2018 pour cinq ans, a annoncé à la télévision publique sa démission dans la nuit de mardi à mercredi, puis la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale.
Le colonel-major Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’air, a ensuite annoncé la création du CNSP, expliquant que les militaires avaient « décidé de prendre [leurs] responsabilités » face au chaos et à l’insécurité. Ces derniers ont dit vouloir « une transition politique civile conduisant à des élections générales crédibles » dans un « délai raisonnable ».