Le Niger et les pays sahéliens ébranlés par l’attaque djihadiste d’Inates

Avec 71 morts et des disparus, l’attaque d’Inates, au Niger, une des plus meurtrières jamais menées contre les armées du Sahel, ébranle les pays de la région et les relations avec la France, remettant en cause la stratégie de lutte contre des groupes djihadistes toujours plus audacieux.
Des centaines d’assaillants du groupe djihadiste État islamique (EI), qui a revendiqué l’attaque, ont mené mardi un assaut de plusieurs heures contre le camp militaire d’Inates, dans l’ouest du Niger, près de la frontière malienne, infligeant un revers sans précédent à l’armée nigérienne.
L’onde de choc est terrible au Niger, où un deuil national de trois jours a été décrété à partir de vendredi.
Le président nigérien, Mahamadou Issoufou, est rentré en catastrophe dans la nuit d’une conférence internationale et a présidé à Niamey jeudi matin une réunion du Conseil national de sécurité dont rien n’a filtré. « Je m’incline devant la mémoire de nos soldats tombés à Inates les armes à la main », a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Moussa Tchangari, une figure de la société civile, parle de « tristesse profonde », mais attaque aussi les forces étrangères, notamment françaises.
« Tout le monde en parle, mais où sont les drones ? Où sont les avions de chasse ? […] Ces gens-là [troupes étrangères] ne sont pas là pour nous, pour nous c’était déjà très clair, et donc les forces étrangères ne sont pas d’une grande utilité, elles doivent s’en aller. »
Le président français, Emmanuel Macron, a vite réagi à l’attaque, annonçant le report à janvier du sommet consacré à l’opération Barkhane et à la force conjointe du G5 Sahel, programmé le 16 décembre.
Il s’agissait justement de clarifier avec les dirigeants des pays du G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mauritanie), les positions de chacun sur la présence militaire française au Sahel, de plus en plus contestée par les opinions publiques.
M. Macron voulait une rencontre symbolique à Pau, où étaient basés la majorité des 13 militaires français tués fin novembre en opération au Mali. Il avait essuyé une salve de critiques sur la forme de l’invitation à ce sommet, qui selon beaucoup d’observateurs s’apparentait à une convocation aux relents néocolonialistes.
Difficultés militaires
L’attaque d’Inates met clairement en lumière les difficultés des forces armées à lutter contre les groupes djihadistes.
C’est l’attaque la plus meurtrière depuis le début de l’offensive djihadiste en 2015 au Niger, pays pauvre mais disposant d’importantes ressources en uranium.
Au-delà, c’est tout le Sahel — en particulier le Mali, le Niger et le Burkina Faso — qui est visé par les assauts de plus en plus audacieux de groupes islamistes armés, en dépit de la présence de 4500 militaires français de la force antiterroriste Barkhane et de forces américaines.
Après des attaques de type guérilla « hit and run » (on frappe et on s’enfuit), les groupes djihadistes n’hésitent plus désormais à attaquer de front des postes militaires.
De ce point de vue, l’attaque de mardi est significative : elle était l’oeuvre de « plusieurs centaines » de combattants « lourdement armés », selon le ministère de la Défense nigérien, et les combats ont été d’une « rare violence ». Les assaillants étaient organisés tactiquement, bien équipés avec des mortiers et des « véhicules kamikazes ».
Le groupe EI est monté en puissance malgré l’escalade de moyens du côté des forces françaises et américaines et le renforcement des armées locales soutenues par les Occidentaux. Les Français ont promis d’armer leurs drones et sans doute d’en multiplier le nombre à terme.
« Il est urgent que nos alliés s’impliquent davantage », a déclaré M. Le Drian, évoquant non seulement les pays sahéliens, mais aussi l’OTAN et l’Union européenne. Le président tchadien, Idriss Deby, a pour sa part souligné qu’il fallait « fédérer [les] efforts et poursuivre sans relâche la lutte contre le terrorisme et l’obscurantisme ».