En Afrique du Sud, un remaniement déchire le Congrès national africain

Ce que la presse locale a baptisé sa «nuit des longs couteaux» risque de coûter cher au président sud-africain, Jacob Zuma. 
Photo: Brenton Geach Associated Press Ce que la presse locale a baptisé sa «nuit des longs couteaux» risque de coûter cher au président sud-africain, Jacob Zuma. 

L’ANC et son chef Jacob Zuma sont en nette perte de vitesse depuis un an.

La décision du président sud-africain, Jacob Zuma, de limoger son ministre des Finances et adversaire Pravin Gordhan a déclenché vendredi une guerre ouverte au sein du Congrès national africain (ANC) au pouvoir, qui apparaît plus divisé que jamais.

Quelques heures après l’annonce du vaste remaniement gouvernemental qui a coûté son poste au ministre, plusieurs poids lourds du parti de Nelson Mandela sont montés au créneau pour critiquer publiquement son départ forcé.

Candidat à la succession de M. Zuma à la tête de l’ANC, le vice-président, Cyril Ramaphosa, l’a jugé « inacceptable ».

« Je lui ai dit [au président] que je n’étais pas d’accord avec lui, a déclaré M. Ramaphosa à la presse. Un certain nombre d’autres collègues et camarades ne sont pas satisfaits de cette situation, particulièrement du renvoi du ministre des Finances, qui servait le pays avec honneur et excellence. »

Le vice-président a toutefois indiqué qu’il ne démissionnerait pas.

Après plusieurs jours de rumeurs, le chef de l’État a annoncé dans la nuit un remaniement de grande ampleur, marqué par la nomination de dix ministres et autant de vice-ministres, pour la plupart considérés comme des fidèles.

Dans la foulée du vice-président, d’autres voix de l’ANC se sont élevées contre ce qu’elles ont qualifié de coup de force.

Comme attendu, Pravin Gordhan a été la principale victime du remaniement. Champion de la lutte contre la corruption, il était depuis des mois en conflit ouvert avec Jacob Zuma, englué dans une longue liste de scandales politico-financiers.

 

Lundi, le chef de l’État avait brutalement interrompu une tournée de promotion du ministre au Royaume-Uni, au motif qu’il salissait son image à l’étranger.

Le renvoi de Pravin Gordhan a une nouvelle fois illustré les profondes fractures politiques qui déchirent l’ANC, au pouvoir depuis l’élection de Nelson Mandela en 1994.

En nette perte de vitesse depuis son revers aux élections locales de l’an dernier, le parti est écartelé entre les soutiens de Jacob Zuma, partisan d’une « transformation radicale » de l’économie en faveur de la majorité noire, et une aile plus modérée incarnée par MM. Gordhan et Cyril Ramaphosa.

Ces divergences sont exacerbées par la course engagée pour la succession de M. Zuma, qui doit quitter la présidence de l’ANC en décembre dans la perspective des élections générales de 2019.

Le chef de l’État soutient son ex-épouse Nkosazana Dlamini-Zuma face à Cyril Ramaphosa.

« Nous voyons ce remaniement comme une stratégie calculée du président Jacob Zuma destinée à lui permettre de gagner la conférence de décembre », a estimé l’économiste Peter Attard Montalto, de la banque Nomura.

Mais ce que la presse locale a baptisé sa « nuit des longs couteaux » risque de lui coûter cher.

« Il va devoir effacer l’idée que ce remaniement n’est pas une autorisation de piller, un vol en bonne et due forme, a averti l’analyste politique Ralph Mathekga, sinon l’ANC peut s’attendre à perdre des provinces clés en 2019. »

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