Le président égyptien dénonce le régime oppressif de la Syrie

Le président égyptien, Mohamed Morsi, a dénoncé jeudi le « régime oppressif syrien qui a perdu sa légitimité », à l’ouverture du sommet des pays non alignés à Téhéran, plus ferme allié de Damas, un discours suscitant les protestations de la délégation syrienne qui a quitté la salle.
« La révolution en Égypte était un pilier du printemps arabe, elle a commencé quelques jours après la Tunisie, a été suivie par la Libye et le Yémen et aujourd’hui la révolution en Syrie [vise] le régime oppressif » de ce pays, a déclaré M. Morsi. « Notre solidarité avec la lutte que mènent les Syriens contre un régime oppressif qui a perdu sa légitimité est un devoir moral et une nécessité politique et stratégique », a-t-il ajouté tandis que la délégation syrienne emmenée par le premier ministre, Waël al-Halaqi, quittait la salle.
Premier président civil élu en Égypte dans la foulée d’une révolte populaire contre le régime de Hosni Moubarak, M. Morsi effectue dans le cadre de ce sommet la première visite à Téhéran d’un chef d’État égyptien depuis la rupture des relations diplomatiques de son pays avec l’Iran il y a plus de 30 ans. Il ne devait rester que quelques heures à Téhéran pour passer le relais de la présidence tournante du Mouvement des Non-Alignés aux autorités iraniennes, selon son entourage.
« Les peuples palestinien et syrien veulent la liberté, la dignité et la justice », a encore dit M. Morsi devant l’assemblée comprenant notamment les dirigeants iraniens, le Guide suprême, Ali Khameneï, et le président, Mahmoud Ahmadinejad. L’Iran est le principal allié régional du régime du président Bachar al-Assad, confronté à une révolte depuis mars 2011, et s’oppose fermement à un départ du pouvoir de M. Assad, comme le réclament des pays occidentaux et arabes, dont l’Égypte.
M. Morsi, premier président issu des rangs des Frères musulmans, a toutefois réitéré sa volonté « de travailler avec toutes les parties pour faire en sorte que le sang s’arrête de couler » en Syrie, où le conflit a fait plus de 25 000 morts en 17 mois, selon une ONG syrienne.
La main tendue
Le président égyptien avait tendu la main à Téhéran à la mi-août en proposant la création d’un comité régional quadripartite pour tenter de trouver une solution à la crise syrienne, comprenant l’Égypte, l’Iran, l’Arabie saoudite et la Turquie. Cette initiative avait été bien accueillie par Téhéran, qui voudrait jouer un rôle dans la résolution de la crise en dépit de l’hostilité de Washington et de l’opposition syrienne.
M. Morsi s’était entretenu de la Syrie la veille au téléphone avec le président français, François Hollande, et « les deux chefs d’État ont constaté qu’aucune solution politique n’était désormais possible sans le départ de Bachar al-Assad », selon la présidence française.
L’Iran a rompu ses relations avec l’Égypte en 1980 pour protester contre la conclusion des accords de paix israélo-égyptiens l’année précédente par le président Anouar al-Sadate. Hosni Moubarak, à la présidence pendant trente ans jusqu’à sa chute en février 2011, a fermement maintenu l’Égypte dans le camp des pays hostiles à l’influence de l’Iran, perçu comme un facteur de déstabilisation au Moyen-Orient. Il ne s’est jamais rendu à Téhéran.
Un avion
Pendant ce temps en Syrie, les hostilités se sont poursuivies jeudi. Les rebelles ont affirmé avoir abattu un avion de combat de l’armée au cours d’une attaque pour s’emparer d’un aéroport militaire de la région d’Idleb, qu’ils disent désormais sous leur contrôle. « L’avion a été abattu ce matin par nos hommes qui ont utilisé des armes automatiques peu après son décollage de l’aéroport d’Abou el-Zouhour. Les deux pilotes se sont éjectés avec leur parachute et ont été capturés », a affirmé le colonel Afif Mahmoud Sleimane, chef du conseil militaire rebelle pour la province d’Idleb. « C’est la deuxième fois qu’un avion MiG est abattu » par les rebelles, a-t-il affirmé, précisant qu’un premier appareil avait été touché récemment à Boukamal dans l’est du pays.
« À part l’avion abattu, nous avons brûlé 11 avions MiG dans cet aéroport que nous contrôlons désormais totalement », a-t-il ajouté, précisant qu’« une partie des soldats présents s’est enfuie, d’autres ont été tués ». Il était impossible de vérifier ces informations de source indépendante compte tenu des restrictions imposées aux journalistes et organisations internationales pour la converture de ce conflit.
Citant des militants et des témoins, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) a de son côté rapporté qu’un avion militaire s’était écrasé près de l’aéroport d’Abou el-Zouhour, sans dire s’il avait été abattu. L’OSDH avait également fait état de violents combats dans la nuit dans cet aéroport. Une vidéo postée jeudi sur YouTube et que l’AFP n’est pas en mesure d’authentifier montre le corps d’un soldat entouré de rebelles qui serait, selon le titre de la vidéo, l’un des « pilotes tués après s’être éjecté ».
L’attaque de jeudi intervient au lendemain d’une autre opération contre l’aéroport militaire de Taftanaz, également dans la province d’Idleb, lors de laquelle les insurgés ont affirmé avoir bombardé le site à l’artillerie, détruisant plusieurs hélicoptères.
Réunion à l’ONU
Par ailleurs, l’opposition syrienne de nouveau a réclamé jeudi au Conseil de sécurité de l’ONU la création d’une zone d’exclusion aérienne et de corridors humanitaires soutenir la population civile, selon un communiqué diffusé peu avant une réunion ministérielle à New York.
Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l’opposition, a appelé dans un communiqué l’ONU à « imposer une zone d’exclusion aérienne » et des « zones tampons » et à créer des corridors humanitaires en vue de faire parvenir de l’aide à « près de 2,5 millions de déplacés et de réfugiés à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie ». « Le CNS considère que si le Conseil de sécurité ne prend pas des mesures sérieuses pour arrêter les massacres et les crimes du régime, cela serait comme s’il abandonnait son rôle de garant de la paix mondiale et de protecteur des peuples contre les génocides », a ajouté le communiqué.
Jeudi, le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a affirmé que la proposition visant à mettre en place des zones tampons en Syrie pour protéger les réfugiés faisait face à des difficultés considérables. Il s’exprimait avant une réunion ministérielle du Conseil de sécurité de l’ONU centrée sur la situation humanitaire en Syrie.
La création à des fins humanitaires d’une zone d’exclusion aérienne partielle le long d’une frontière avec la Syrie, évoquée par la France, est militairement faisable, selon des experts qui insistent toutefois sur la nécessité d’un mandat de l’ONU, mais Moscou s’est opposé jusqu’à présent à toute mesure coercitive de l’ONU.