France - La chef de la diplomatie s'enlise dans la controverse sur ses vacances en Tunisie

Paris — La chef de la diplomatie française, Michèle Alliot-Marie, s'est davantage enlisée hier dans une embarrassante controverse sur ses vacances en Tunisie, après de nouvelles révélations sur l'utilisation du jet d'un chef d'entreprise lié au clan Ben Ali.
Ses interventions successives pour se justifier n'ont fait que susciter de nouvelles critiques de l'opposition de gauche, qui a appelé le président Nicolas Sarkozy à la limoger.«Quand je suis en vacances, je ne suis pas ministre des Affaires étrangères», a-t-elle affirmé samedi soir à la radio France-Info, pour se justifier d'avoir voyagé à deux reprises à bord du jet privé d'un ami, Aziz Miled, pendant ses vacances de fin d'année en Tunisie, alors déjà en proie à des troubles sociaux.
«Lamentable», a rétorqué le chef de file des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, tandis que le député Pierre Moscovici estimait hier qu'elle a «fait preuve d'une incompétence et d'une complaisance rares, inadmissibles».
Le ministre de la Coopération, Henri de Raincourt, tout en faisant valoir que les ministres avaient le droit à la vie privée et au repos, a tout de même concédé: «quand on est membre du gouvernement [...] on l'est évidemment à temps complet».
Michèle Alliot-Marie était attaquée ces derniers jours pour avoir utilisé ce jet privé pour se rendre de Tunis à l'hôtel de ses vacances, à Tabarka, en compagnie de ses parents et de son compagnon, Patrick Ollier, lui aussi ministre (des Relations avec le Parlement).
Sa défense s'est trouvée mise à mal samedi quand Le Nouvel Observateur a révélé que Michèle Alliot-Marie et son compagnon étaient montés dans l'avion d'Aziz Miled une deuxième fois, pour une excursion dans le sud du pays, à Tozeur.
«C'est quelque chose que je ne recommencerai pas, puisque ça choque», a-t-elle déclaré hier, en marge de la 47e conférence sur la sécurité à Munich (Allemagne). Elle a de nouveau dénoncé la polémique qui la vise, disant avoir «démonté tous les mensonges».
«Une victime»
M. Miled a été présenté comme un proche de Belhassen Trabelsi, le beau-frère du président tunisien déchu. Michèle Alliot-Marie le récuse, estimant que son ami, dirigeant d'une compagnie aérienne, est au contraire «une victime» de la belle-famille de Zine El Abidine Ben Ali qui l'a obligé à s'associer avec elle.
La chef de la diplomatie française a aussi tenté de justifier sa présence en Tunisie, en proie aux troubles, en affirmant qu'il n'y avait alors pas «d'émeutes généralisées».
La ministre avait déjà provoqué un tollé en proposant le 11 janvier une coopération policière au régime de l'ex-président tunisien, alors que les manifestations se multipliaient.
Cette offre a cristallisé les critiques adressées à la diplomatie de la France, ancienne puissance tutélaire accusée d'avoir tardé à soutenir le soulèvement et passé sous silence le caractère autoritaire et corrompu du régime.
Arrivée aux Affaires étrangères en novembre, Michèle Alliot-Marie, 64 ans et habituée des grands ministères, traverse l'une des pires tempêtes de sa longue carrière.
Jeudi, le premier ministre François Fillon a affirmé qu'elle avait «toute [sa] confiance» et celle du président Nicolas Sarkozy.
Le président français, qui doit s'exprimer jeudi à la télévision, devra à nouveau évoquer ce sujet. «Si vous voulez donner un peu de confiance aux Français dans les institutions de la République, vous devriez changer votre ministre des Affaires étrangères», a lancé Jean-Marc Ayrault.
«Si des décisions ne sont pas prises, nous sommes dans la République irresponsable», a affirmé le député socialiste François Hollande.
Parmi les rares à soutenir la ministre hier, le député UMP (droite) Patrick Devedjian a fustigé une «chasse à l'homme [...] odieuse».