Côte d'Ivoire - Pas d'accord, mais la médiation continue
Abidjan — Les médiateurs africains de retour hier à Abidjan n'ont pas réussi à convaincre le président ivoirien sortant, Laurent Gbagbo, de céder le pouvoir à son rival Alassane Ouattara, mais le dialogue se poursuit, a précisé l'un d'eux.
Les quatre dirigeants africains mandatés par la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et par l'Union africaine ont discuté plusieurs heures avec Gbagbo avant de s'entretenir avec Ouattara, qui vit retranché dans l'Hôtel du Golf sous la protection de 600 casques bleus de l'Onuci.«Nous avons eu des rencontres très, très importantes. À ce stade, tout ce que nous pouvons dire, c'est que les discussions se poursuivent», a déclaré dans la soirée le président sierra-léonais, Ernest Bai Koroma.
«Lorsque des discussions se poursuivent, on ne peut s'attendre à ce que quoi que ce soit soit conclu», a-t-il ajouté alors que les médiateurs regagnaient l'aéroport.
Ernest Bai Koroma et ses homologues béninois Boni Yayi et cap-verdien Pedro Pires, mandatés par la Cédéao, avaient déjà rencontré le président sortant la semaine dernière. Ils étaient accompagnés cette fois du premier ministre du Kenya, Raila Odinga, dépêché par l'Union africaine.
«Nous sommes ici [...] pour engager un dialogue en vue de régler la crise», a déclaré ce dernier aux journalistes à l'issue de l'entrevue des quatre au palais présidentiel.
Face à l'impasse issue de l'élection présidentielle, dont Gbagbo et Ouattara ont été déclarés vainqueur par deux instances distinctes, la communauté internationale a reconnu la victoire du second et la CEDEAO a indiqué qu'elle pourrait recourir à la «force légitime» si le président sortant refuse de s'effacer.
Le camp Ouattara a présenté cette nouvelle médiation comme la dernière chance pour Gbagbo de partir avec des garanties d'immunité.
Mais Abraham Doukouré, représentant de la CEDEAO en Côte d'Ivoire, a précisé qu'il n'était pas question de lui remettre un ultimatum, comme mardi dernier. «Les discussions vont se poursuivre», a-t-il dit à Reuters.
«S'il quitte pacifiquement le pouvoir...»
Le président sortant s'appuie sur le soutien du Conseil constitutionnel dirigé par un de ses proches, Paul Yao N'Dré, et de l'armée.
Il a réaffirmé au cours du week-end qu'il était prêt au dialogue mais a prévenu qu'Alassane Ouattara, désigné vainqueur de l'élection présidentielle du 28 novembre par la commission électorale, ne devait pas compter «sur des armées étrangères pour venir le faire président».
L'Angola, seul pays d'Afrique a avoir dépêché un ambassadeur à la prestation de serment de Laurent Gbagbo dans la foulée de la proclamation de sa réélection par le Conseil constitutionnel, a accusé des pays étrangers non spécifiés de pousser «d'autres pays de la région à lancer une guerre».
Pour sa part, Guillaume Soro, premier ministre du gouvernement installé par Ouattara, a de nouveau évoqué l'option militaire. «S'il ne donne pas son accord de partir pacifiquement aujourd'hui, il ne reste à la CEDEAO que l'option militaire et mon gouvernement s'associera à toute initiative qui envisage une force légitime pour instaurer la démocratie en Côte d'Ivoire», a-t-il dit à la chaîne de télévision France 24.
«S'il quitte pacifiquement le pouvoir, il pourrait bénéficier d'avantages d'ancien chef d'État. C'est pourquoi nous souhaitons que M. Gbagbo [...] accède à la demande de la CEDEAO. Qu'il abrège la souffrance des Ivoiriens en quittant le pouvoir pacifiquement», a ajouté Guillaume Soro.
Hier, un haut responsable américain a estimé qu'une solution rapide ne semblait pas en vue. «On dirait qu'il faudra un certain temps encore avant que la situation ne se résorbe», a-t-il dit. «Si le président Gbagbo cherche à sortir la tête haute, nous restons ouverts et prêts à l'y aider. Mais il ne semble pas pour l'instant prêt à s'en aller. [...] Toutes les indications entre notre possession donnent à penser qu'il campe sur ses positions.»
Plus de 170 personnes ont été tuées dans les violences post-électorales, notamment le 16 décembre lors d'affrontements en marge d'une manifestation de partisans de Ouattara qui tentaient de marcher sur le siège de la Radio-télévision ivoirienne (RTI), considérée comme une machine de propagande au service de Laurent Gbagbo.
Le président du Club de Londres des créanciers privés a fait savoir que la Côte d'Ivoire n'avait pas remboursé près de 30 millions de dollars d'intérêts, sur un emprunt de 2,3 milliards de dollars, comme prévu à l'échéance du 31 décembre. Il a toutefois souligné qu'il existait une période de grâce de 30 jours et s'est dit persuadé que le pays paierait.