Les craintes d'instabilité sont vives - Un tiers du gouvernement sud-africain démissionne dans le sillage de Mbeki

Johannesburg — Quatorze membres du gouvernement sud-africain ont annoncé hier leur démission dans le sillage du départ forcé du président Thabo Mbeki, renforçant les craintes d'instabilité dans un pays secoué par sa crise la plus aiguë depuis la chute de l'apartheid en 1994.
La vice-présidente Phumzile Mlambo-Ngcuka, dix ministres sur 29 et trois ministres adjoints ont remis leur lettre de démission au chef de l'État et quitteront le gouvernement en même temps que lui, demain, a indiqué la présidence.Le ministre des Finances, Trevor Manuel, chouchou des investisseurs étrangers et artisan de la croissance soutenue de l'Afrique du Sud post-apartheid, fait partie des démissionnaires, mais il s'est dit «disponible pour toute fonction» dans le nouveau gouvernement, .
L'annonce de son départ a entraîné une chute immédiate de la bourse de Johannesburg et de la devise sud-africaine, le rand.
La direction de l'ANC, qui a contraint le chef de l'État à démissionner ce week-end, l'accusant d'avoir instrumentalisé la justice pour écarter son rival Jacob Zuma, promet la stabilité.
«Nous prévoyons une transition en douceur», a affirmé Jacob Zuma, qui a ravi la présidence de l'ANC à Thabo Mbeki en décembre. Le secrétaire général du parti, Mathew Phosa, a nié toute intention de purge.
Jouant l'apaisement, le groupe parlementaire de l'ANC avait désigné lundi Kgalema Motlanthe, un homme réfléchi et conciliateur, pour succéder au président Mbeki jusqu'aux élections générales du 2e trimestre 2009.
Mais la démission de près d'un tiers du gouvernement «montre à quel point l'ANC est divisée», souligne l'analyste Aubrey Matshiqi. «Leur départ rend la gestion de la transition plus difficile.»
L'Assemblée nationale, où l'ANC dispose de plus de deux tiers des sièges, avait pourtant suivi les étapes de la procédure avec célérité pour assurer une passation de pouvoir sans heurt.
Hier, par 299 voix contre 10, les députés ont adopté une motion stipulant que «la démission du président de la République d'Afrique du Sud prendra effet le 25 septembre 2008».
L'Assemblée nationale élira demain le successeur de M. Mbeki. Le nouveau président devrait prêter serment dans la foulée et désigner son gouvernement.
De son côté, le chef de l'État a contre-attaqué sur la scène judiciaire. Lundi soir, il a saisi la Cour constitutionnelle pour faire appel du jugement qui a précipité sa chute, prononcé le 12 septembre par un juge de Pietermaritzburg. Ce dernier avait annulé les poursuites pour corruption contre le chef de l'ANC pour vice de forme. Dans ses attendus, il avait dénoncé des interférences politiques.
Parmi les démissions annoncées hier, ne figure pas celle de la très controversée ministre de la Santé, Manto Tshabalala-Msimang. Ce docteur en médecine avait adhéré à la thèse du président Mbeki, qui a mis en doute le lien entre le virus VIH et le sida, faisant prendre des années de retard à la distribution de médicaments antirétroviraux dans l'un des pays les plus affectés au monde par la pandémie.