Afrique et climat: le G8 se prépare à décevoir
Pas de promesses vertes ni d'aide aux pays africains. Des informations circulent déjà selon lesquelles la déclaration finale, qui paraîtra demain à la suite des négociations des pays présents au sommet du G8 à Toyako au Japon, ne fera aucune mention de cibles contraignantes de réduction des gaz à effet de serre, pas plus qu'elle ne confirmera l'engagement de doubler son aide annuelle à l'Afrique en 2010 par rapport à son niveau de 2004 (25 milliards de dollars), une promesse faite lors du sommet de Gleneagles en Écosse en 2005. Selon l'organisation non gouvernementale Oxfam, «le texte du communiqué final sur les questions de développement ne comporte, selon les dernières informations disponibles, aucun rappel chiffré de [cette] promesse clé».
Les pays riches «doivent accepter de remplir leurs promesses existantes», a insisté le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, selon qui «aucune nouvelle promesse n'est nécessaire» avant cela.L'ONG altermondialiste Avaaz.org, qui compte plus de trois millions de membres dans presque tous les pays du monde, a quant à elle sévèrement blâmé trois personnes qui, selon elle, «bloqueraient les discussions sur les cibles de réduction d'émissions de gaz à effet de serre»: le premier ministre du Canada, Stephen Harper, celui du Japon, Yasuo Fukuda, et le président des États-Unis, George W. Bush.
Selon La Presse canadienne, le groupe des principales économies de la planète — institué par les États-Unis pour réunir les pays riches du Groupe des huit et l'ONU, l'Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l'Indonésie, le Mexique, la Corée du Sud, l'Inde et l'Australie — ne semble pas vouloir discuter de l'adoption de cibles spécifiques de réduction d'émissions polluantes avant la prochaine conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui aura lieu en 2009 à Copenhague, au Danemark.
Le communiqué, un document de quatre pages daté du 23 juin 2008 qui devrait constituer la base d'une déclaration conjointe qui sera diffusée plus tard cette semaine, indique qu'il serait «désirable» pour les participants d'entreprendre à ce moment des négociations dans le but d'adopter «un objectif à long terme de réduction des émissions mondiales, tout en gardant à l'esprit le principe d'équité». Il ne fait aucune mention de l'entente conclue l'an dernier pour «envisager sérieusement» une réduction de moitié des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050.
Trahison du Canada
Le leader du Nouveau Parti démocratique à Ottawa, Jack Layton, a soutenu que le premier ministre Stephen Harper «trahit» les Canadiens sur la scène mondiale en faisant fi de l'adoption récente, par le Parlement, d'un projet de loi — proposé par M. Layton lui-même — qui prévoit un objectif de réduction, d'ici 2050, des émissions de GES de 80 % par rapport aux niveaux de 1990. Le projet de loi a été appuyé par tous les partis sauf le gouvernement minoritaire conservateur de M. Harper. Il est en attente de l'approbation du Sénat.
Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Japon a déclaré dimanche que le Japon espérait faire avancer le dossier de la lutte contre les changements climatiques, par rapport au sommet de l'an dernier en Allemagne et aux pourparlers de l'ONU tenus à Bali, en Indonésie, en décembre dernier.
Mais certains, dont le ministre canadien de l'Environnement, John Baird, excluent déjà toute percée majeure au sommet de cette semaine. Et l'ébauche de communiqué n'a rien pour inciter à l'optimisme les groupes de défense de l'environnement.
Il y a donc impasse, au sein du G8, sur l'attitude à adopter envers la Chine et l'Inde, deux des plus grands pollueurs de la planète. Le Canada, les États-Unis et la Russie s'opposent notamment à tout pacte qui n'inclurait pas les grands pollueurs. Mais les pays européens du G8 estiment qu'ils doivent montrer l'exemple avant d'exiger des pays en développement qu'ils réduisent leurs émissions.
L'Afrique oubliée
Des paroles en l'air et des promesses vaines. Voilà ce qu'ont pour leur part reproché plusieurs pays d'Afrique au groupe sélect du G8, au premier jour du sommet. L'Afrique juge vitale l'aide que ces grandes économies pourraient fournir afin d'empêcher que l'envolée des prix des matières premières et la crise alimentaire n'aggravent la pauvreté du continent.
Les dirigeants américain, russe, britannique, français, allemand, italien, canadien et japonais avaient alors promis de doubler d'ici à 2010 leur aide au tiers-monde pour la porter à 50 milliards de dollars, l'Afrique devant bénéficier de la moitié de cette somme. En l'état actuel des choses, seuls 20 % des engagements pris à Gleneagles seraient tenus.
Face aux doléances des pays africains, l'Allemagne et la France ont proposé une solution: dresser un bilan chaque année.
Ainsi, l'idée, telle qu'avancée par la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy, consisterait à demander chaque année aux conseillers des chefs d'État et de gouvernement du G8 chargés des dossiers africains de faire un bilan du respect des engagements des deux parties et aux Africains de procéder au même examen.
Les «sherpas» des dirigeants du G8 et leurs correspondants africains se rencontreraient en début d'année pour croiser leurs notes, voir où en sont les engagements pris et «où ça pèche», de façon à redonner de la crédibilité aux chiffres avancés année après année par les sommets du G8.
«Cela permettrait d'attaquer l'année avec une espèce de tableau de bord de ce qui nous reste à accomplir avant le sommet de l'été suivant», explique l'entourage de Nicolas Sarkozy. «Ce n'est pas complètement calé. C'est une des formules possibles.»
Des manifestants rabroués
Pendant que les pays membres du G8 ainsi que ceux des pays africains invités (l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Éthiopie, le Ghana, le Nigeria, le Sénégal, la Tanzanie, en plus de l'Union africaine) se retrouvaient pour un déjeuner dans un hôtel de luxe isolé dans les montagnes à Toyako, des manifestants ont tenté hier de franchir les cordons de police pour s'approcher du palace, mais ils se sont heurtés à un important dispositif de sécurité et se sont dispersés après un face-à-face tendu.
Comparativement à l'an dernier, où le dispositif de sécurité avait été mis à mal par 30 000 manifestants qui étaient parvenus à bloquer les accès au site de la réunion en Allemagne, les 21 000 policiers japonais déployés pour l'occasion dans ce secteur de l'île d'Hokkaido n'ont jusqu'à présent eu aucune peine à contenir les mouvements de protestation, qui n'ont donné lieu qu'à de rares débordements et à quelques arrestations.
Alors que le G8 se consacrera aujourd'hui aux problèmes économiques et politiques mondiaux, il abordera demain, pour sa troisième et dernière journée, le thème du réchauffement climatique avec les dirigeants de sept autres pays invités, dont la Chine et l'Inde.
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avec La Presse Canadienne, Agence France-Presse et Reuters