Afrique de l'Ouest - Manifester ou crever de faim

Il y a une semaine, des policiers «nettoyaient» à la suite d’une manifestation à Ouagadougou.
Photo: Agence France-Presse (photo) Il y a une semaine, des policiers «nettoyaient» à la suite d’une manifestation à Ouagadougou.

Les manifestations et les émeutes contre la cherté de la vie se multiplient au Burkina Faso, au Cameroun, au Mali, en Mauritanie, au Niger et au Sénégal. «Nous avons le choix de manifester ou de mourir de faim», résumait un manifestant, la semaine dernière, à Ouagadougou, capitale burkinabée.

Blé, soja, maïs, riz... Les prix des denrées alimentaires de base et ceux du pétrole enregistrent une inflation astronomique, affectant les conditions de survie déjà précaires de larges pans des populations des pays pauvres, très dépendants des produits d'importation. Les seuls prix du blé ont augmenté de 81 % depuis un an sur les marchés internationaux et on s'attend à ce que ceux des principaux produits agricoles continuent d'augmenter jusqu'au début de 2009.

En cause: la ruée sur la production de biocarburants (absorbant une part croissante des récoltes de céréales et de soja); la hausse de la consommation dans les pays émergents comme la Chine et l'Inde; la déliquescence des agricultures nationales pour cause, d'une part, de réchauffement climatique et, d'autre part, d'énormes avantages concurrentiels dont bénéficient les producteurs agricoles lourdement subventionnés en Europe et aux États-Unis.

La Commission européenne (CE) a tout à la fois fait l'impasse sur ces enjeux de fond et tiré la sonnette d'alarme en annonçant, hier, une enveloppe à hauteur sans précédent de 160 millions d'euros (240 millions de dollars) en aide alimentaire. L'argent est destiné à lutter, en 2008, contre les pénuries en Afrique, en Asie, dans le Caucase et au Moyen-Orient, causées par des catastrophes naturelles et des crises économiques ou politiques. Le risque existe, a insisté la CE, que les hausses de prix ne provoquent une crise humanitaire.

«Ce n'est peut-être pas un tsunami ou un tremblement de terre, mais l'inflation génère des besoins humanitaires et nous devons faire en sorte qu'une "sécheresse financière" ne se produise pas» pour les populations concernées, a déclaré le porte-parole de la Commission, chargé de l'aide au développement, John Clancy. «Nous sommes déterminés à faire en sorte qu'aucune des populations vulnérables n'ait faim à cause de la hausse des prix de l'alimentation.»

Même le Fonds monétaire international prend acte. Lors d'un récent sommet économique des pays de l'Afrique de l'Ouest, le nouveau directeur général du Fonds, Dominique Strauss-Kahn, s'est inquiété de l'impact de cette inflation sur «les familles qui ont à peine ce dont elles ont besoin pour survivre». Il a ouvert la porte, à titre de mesures palliatives, à l'octroi de prêts pour «soulager la pression» sur les gouvernements. Peu rassuré, le président du Bénin, Yayi Boni, économiste de formation élu démocratiquement en avril 2006, a poliment pressé le FMI de «prendre en compte les préoccupations actuelles de nos pays, encore pauvres et extrêmement endettés».

La rue s'est exprimée avec le plus de colère au Burkina Faso (13 millions d'habitants) au cours des dernières semaines, surtout parmi les jeunes. Les premières manifestations violentes contre la vie chère ont éclaté il y a une quinzaine de jours dans trois villes de l'ouest et du nord du pays, se soldant par plus de 250 arrestations et plusieurs blessés. Elles ont gagné Ouagadougou la semaine dernière et viré à l'émeute. Le gouvernement a tenté de calmer le jeu, avec succès mitigés, en suspendant pour trois mois les droits de douane sur les produits de grande consommation (riz, lait, pâtes alimentaires et sel).

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