La capitale tchadienne de nouveau livrée à des incendies et à des pillages

N'Djamena — Les combats se sont poursuivis hier à N'Djamena entre les rebelles et les soldats fidèles au président Idriss Deby Itno, au coeur de la capitale tchadienne livrée à des incendies et pillages, avant l'établissement d'un calme précaire dans l'après-midi.
À New York, le Conseil de sécurité des Nations unies a entamé hier une réunion d'urgence sur le Tchad. Se disant «profondément alarmé par la dangereuse situation» dans ce pays, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a appelé «toutes les parties à cesser immédiatement les hostilités et à ouvrir un dialogue afin d'empêcher la poursuite de l'effusion de sang».Depuis samedi, les affrontements impliquant des hélicoptères de combat et de l'artillerie lourde ont fait plusieurs centaines de blessés parmi les civils, selon l'ONG Médecins sans frontières. Les stigmates des combats étaient visibles hier aux abords de la présidence: cadavres de civils livrés aux mouches ou recouverts de bâches, pick-up calcinés au milieu des rues, impacts de balles sur les façades, trous d'obus dans les murs.
Les rebelles, après avoir été jusqu'aux abords de la présidence samedi, s'étaient retirés dans la soirée. Ils ont reproduit ce scénario hier, menant des incursions ponctuelles contre l'armée retranchée autour du palais présidentiel, avant de se replier à la sortie est de N'Djamena, pour laisser aux civils le temps de quitter le centre-ville. «Nous sommes à la sortie est de la ville, pas très loin, à 2 ou 3 kilomètres du palais du 15 janvier», a déclaré un responsable de la rébellion joint par téléphone satellitaire.
«Nous nous sommes retirés. Il ne faut pas que les gens croient que Deby a gagné», a insisté ce dirigeant rebelle, sous couvert d'anonymat, ajoutant: «il est toujours retranché dans son bunker et ne peut pas en sortir».
La rébellion a également attaqué hier la préfecture d'Adré, à la frontière du Soudan (est). Selon le préfet tchadien de région, les rebelles opéraient avec un soutien aérien de l'armée soudanaise, ce que Khartoum a aussitôt démenti.
Évacuations
Arrivé au pouvoir par les armes en 1990, le président Idriss Deby Itno a réussi à plusieurs reprises à renverser des situations militaires difficiles.
Hier, lors d'un entretien téléphonique avec lui, le président français, Nicolas Sarkozy, a répété qu'il condamnait «fermement» la tentative de prise du pouvoir des rebelles. Des Mirage F1 français basés à N'djamena ont été «mis à l'abri» dans des pays voisins, selon des sources militaires.
Les rebelles ont accusé la France de «jouer la montre» pour permettre au président Deby «de se réorganiser et de lancer une contre-offensive».
Un porte-parole de la représentation du mouvement UFDD (Union des Forces pour la démocratie et le développement) a assuré depuis Paris que les rebelles allaient attaquer l'aéroport de N'Djamena «dans les 24 heures».
Depuis samedi soir, quelque 700 étrangers ont été évacués de N'Djamena vers Libreville par des vols militaires français. Un avion en provenance du Gabon était attendu hier soir à Paris, avec à son bord 130 Français et 69 étrangers de 27 nationalités différentes.
L'ONG Oxfam a aussi évacué son personnel international de la capitale tchadienne et annoncé que les combats risquaient de compromettre l'assistance destinée à un demi-million de personnes déplacées dans l'Est tchadien.
Ces étrangers fuyaient une capitale tchadienne livrée aux combats, où le grand marché et la radio nationale ont été détruits hier par des incendies et des pillages, selon des témoins. «Le marché public a été en partie incendié dans la matinée à la suite d'un tir d'obus d'un hélicoptère [de l'armée] visant des rebelles», a affirmé un témoin. «L'incendie a créé un début de panique, puis la foule est revenue pour piller tout le marché».
La reprise des combats hier a sonné le glas d'un cessez-le-feu que le dirigeant libyen Mouammar Khadafi, médiateur désigné par l'Union africaine, avait affirmé samedi avoir négocié avec l'un des trois chefs rebelles.
Selon des experts, les rebelles s'étaient alliés mi-décembre sous la pression du Soudan. Khartoum souhaite notamment, selon ces analystes, perturber le lancement de la force européenne au Tchad et en Centrafrique (Eufor) destinée à protéger les réfugiés du Darfour.
Le Soudan a nié hier toute implication: «Ce qui se passe au Tchad est une affaire interne et nous n'avons rien à y voir. Nous souhaitons que la situation se calme dans ce pays», a déclaré le ministre d'État soudanais aux Affaires étrangères, Sammani al-Wassila. Le ministre français de la Défense Hervé Morin a indiqué hier que le déploiement de l'Eufor était «suspendu jusqu'à mercredi».