L'opposition kényane conquiert le perchoir

Nairobi — L'opposition kényane a remporté hier le prestigieux poste de président du Parlement, obtenant ainsi une victoire hautement symbolique pour ses partisans qui étaient descendus en masse dans les rues pour dénoncer la réélection controversée du chef de l'État Mwai Kibaki.

L'ancien secrétaire général des Nations unies Kofi Annan, qui devait arriver hier soir au Kenya, a été contraint de reporter «de quelques jours» sa mission de médiation en raison d'une «forte grippe», a annoncé l'ONU à Genève.

Kenneth Marende, le candidat du Mouvement démocratique orange (ODM) du chef de l'opposition Raila Odinga, a été élu président de l'Assemblée nationale kényane avec 105 voix contre 101 accordées au postulant du camp présidentiel, Francis Ole Kaparo. Le vote a eu lieu lors de la séance d'ouverture de l'assemblée issue des élections contestées du 27 décembre.

L'annonce du résultat a été accueillie par des cris de joie des députés du parti de M. Odinga, candidat malheureux à la présidentielle.

«Nous avons le devoir de soutenir la démocratie», a déclaré le nouveau président du Parlement, dans un discours inaugural dépourvu de toute allusion directe à la réélection contestée de M. Kibaki à la tête de l'État. Lors des élections législatives, qui coïncidaient avec le scrutin présidentiel, l'ODM était arrivé en tête avec 99 élus au Parlement.

Kenneth Marende, 52 ans, a dit espérer que cette assemblée s'efforcerait «de doter les Kényans d'un nouvel ordre constitutionnel le plus rapidement possible».

Le président Kibaki avait été critiqué au terme de son premier mandat pour avoir échoué à changer la constitution et à pourvoir l'exécutif kényan d'un poste de premier ministre, limitant ainsi les prérogatives du président.

La session a été marquée par la première apparition commune en public de MM. Kibaki et Odinga depuis les élections et la vague de violences meurtrières qui les ont suivies.

Mais à peine cette victoire remportée à l'Assemblée, l'opposition compte se livrer à une nouvelle épreuve de force avec le pouvoir, dans la rue cette fois. Elle a maintenu ses appels à manifester durant trois jours, à partir d'aujourd'hui, malgré l'interdiction de ces rassemblements par la police.

Hier, les habitants de Nairobi ont vaqué normalement à leurs occupations dans une ville sous haute surveillance policière. La police paramilitaire avait pris position dès la matinée dans le grand parc du centre de la capitale proche du Parlement. D'autres forces de sécurité étaient positionnées non loin du bidonville de Kibera, fief de M. Odinga.

En province, aucun incident n'a été signalé. À Eldoret, l'une des villes les plus touchées par les violences post-électorales qui ont fait au moins 700 morts et 255 000 déplacés dans le pays, la majorité des commerces ont ouvert normalement. Des habitants s'efforçaient toutefois de quitter la ville par peur de nouvelles violences.

Par ailleurs, la Commission européenne n'a pas exclu, hier, de réexaminer son aide au Kenya. «Toutes les options sont ouvertes sur l'aide», a déclaré son porte-parole, Johannes Laitenberger.

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