Irak: Londres songe à un retrait d'ici un an

La Grande-Bretagne pourrait commencer à réduire le nombre de ses soldats présents en Irak au cours des 12 prochains mois, a affirmé hier le ministre britannique de la Défense John Reid.

Interrogé sur CNN, le ministre a ajouté que ni la Grande-Bretagne ni les États-Unis n'avaient d'«ambitions impérialistes» en Irak et que les forces irakiennes devaient prendre la responsabilité de la sécurité. «Nous attendons avec impatience le jour où les Irakiens bâtiront leurs propres forces de sécurité, suffisantes pour prendre le contrôle, [...] afin qu'ils puissent prendre les commandes et que nous puissions leur apporter notre soutien et graduellement réduire notre présence là-bas», a déclaré M. Reid. «Ça ne se fera pas en un jour. Ce sera un processus. Je pense que c'est un processus qui pourrait commencer — et seulement commencer — au cours des 12 prochains mois», a-t-il expliqué sur la chaîne américaine d'informations en continu.

Un mémo du ministère britannique de la Défense, qui avait filtré dans l'hebdomadaire Mail on Sunday la semaine dernière, avait indiqué que l'armée britannique envisageait de réduire sa présence en Irak, de quelque 8500 hommes actuellement, à 3000 au milieu de 2006. Il indiquait également que les États-Unis souhaitaient eux aussi une réduction importante de leurs forces militaires sur place.

Trois soldats britanniques ont été tués samedi après l'explosion d'une bombe au passage de leur véhicule dans la région d'al-Amarah, dans le sud de l'Irak, portant à 92 le nombre de militaires britanniques tués depuis l'invasion de l'Irak en mars 2003.

Dans un autre entretien, cette fois à la chaîne d'informations en continu Sky News, M. Reid a reconnu que la situation en Irak «se détériorait d'une certaine manière, dans le sens où la frénésie de terrorisme et les meurtres que vous mentionnez sont plus importants, c'est vrai».

Trois attaques ont d'ailleurs fait hier au moins sept morts à Bagdad, pendant que les habitants de Moussayyib, accablés de douleur, effaçaient les traces de l'attentat suicide au camion piégé qui a massacré une centaine de personnes samedi soir. La population de cette ville du sud de Bagdad a crié sa colère devant les immeubles éventrés par l'explosion d'un camion-citerne qui, selon un responsable de l'hôpital de Hilla, a fait au moins 98 morts et 70 blessés. «La police a interdit aux camions de circuler à Moussayyib, mais elle a laissé entrer un camion citerne. C'est un crime! Les policiers sont tous des agents [de l'insurrection]», s'est écrié un homme.

À Bagdad, des parlementaires s'en sont pris au gouvernement entré en fonction en avril, le jugeant incapable de mettre un terme au «terrorisme» et de garantir la transition politique deux ans après le renversement de Saddam Hussein par la coalition menée par les Américains. «Cinquante-cinq membres de l'Assemblée nationale ont signé une pétition appelant les comités populaires [milices locales] à reprendre en main la sécurité», a déclaré le député Khoudair al-Khouzaï à l'issue d'une session particulièrement houleuse.

L'attentat suicide perpétré samedi soir est le plus meurtrier depuis celui commis en février à Hilla, où 125 personnes avaient trouvé la mort. Le plus meurtrier aussi depuis la formation du gouvernement, en avril. Il traduit la nette recrudescence de la violence après une des semaines les plus «calmes» depuis trois mois. Vendredi, le pays a été frappé par l'explosion de dix véhicules piégés conduits par des kamikazes, qui ont visé les forces américaines et irakiennes et fait plus de 32 morts et une centaine de blessés. Samedi, avant même l'attentat de Moussayyib, d'autres attaques avaient tué au moins 16 personnes dans tout le pays.

Deux nouveaux attentats à la voiture piégée, revendiqués par al-Qaïda, ont visé hier matin des postes de contrôle dans l'est et le sud de Bagdad, faisant au total quatre morts et 17 blessés, a annoncé la police. L'explosion d'une troisième voiture a par la suite tué trois personnes et en a blessé deux près de l'ancien siège de la commission électorale, toujours dans la capitale.

Ce mode d'action, caractérisé par le recours à de jeunes kamikazes étrangers et l'utilisation d'armes de précision, porte selon les autorités la marque d'al-Qaïda et rend particulièrement difficile la prévention des attaques.

L'analyste Toby Dodge, spécialiste de l'Irak installé à Londres, juge «prévisible» que les milices se développent pour garantir la sécurité «d'une manière adaptée aux circonstances». La floraison des groupes d'autodéfense risque cependant d'accentuer les tensions interconfessionnelles, sans pour autant démanteler le réseau très sophistiqué qui bénéficie, de source policière irakienne, du savoir-faire de l'ancienne armée secrète de Saddam Hussein.

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