22 000? 26 000? 14 000? 39 000? Combien de civils irakiens ont-il été tués depuis l'invasion américaine en mars 2003 et le début des attentats aveugles commis par les insurgés proches de la mouvance fondamentaliste ou les bassisto-nationalistes nostalgiques de Saddam Hussein? Contrairement aux Américains dont l'armée comptabilise quotidiennement les «morts au combat» — 1937 — , il est très difficile de dresser un bilan précis des pertes irakiennes, faute d'estimation officielle et même si le ministre irakien de l'Intérieur, cité par le New York Times le 15 juillet, affirmait que 8175 Irakiens ont été tués par les insurgés entre août 2004 et mai 2005. De plus, les méthodes de comptabilité des organisations ou des sites Internet qui travaillent sur ce sujet1, et dont l'un des plus rigoureux paraît être iraqbodycount.net, sont par trop différentes.

L'estimation publiée la semaine dernière par un organisme suisse, l'Institut universitaire des hautes études internationales, est beaucoup plus lourde que celles faites jusqu'ici, y compris par des sources militaires occidentales, qui oscillaient entre 22 000 et 26 000 morts. Selon cet institut suisse, quelque 39 000 Irakiens auraient péri depuis l'invasion américaine. Ce chiffre prête cependant à discussion car il reprend en partie l'étude très contestée publiée en octobre 2004 par le journal médical britannique The Lancet qui faisait état, elle, d'un chiffre choc: 100 000 décès «excédentaires» en Irak depuis mars 2003, toutes causes confondues.

Un nombre peu crédible car principalement basé sur la... comparaison des taux de mortalité avant et après le début de l'intervention américaine et obtenu à travers des interviews dans des foyers irakiens! L'institut suisse précise cependant que son bilan de 39 000 morts ne concerne que les victimes de combats et de violences armées et qu'il se fonde sur un réexamen des chiffres du Lancet et une nouvelle classification des causes de décès.

En septembre 2004, un mois avant le Lancet, un groupe d'experts indépendants basés à Londres, The body project, estimait que de 11 783 à 13 802 civils irakiens avaient été tués. Fondée par un militant pacifiste et un psychologue IrakBody Count (IBC) fournit une évaluation proche, oscillant entre 14 000 et 16 800 morts. Tout est en fait question de méthode. Celle de IBC n'est pas forcément la plus mauvaise: elle procède à un comptage systématique des morts relatés par les médias, ce qui exclut les victimes imputables au délabrement du système de soins. Devant ces différents chiffres, Londres s'en tient aux données du ministère irakien de la Santé: 3800 décès en 2004. Contre toute vraisemblance.

1 http://antiwar.com/casualties; www.icasualties.org/oif; www.globalsecurity.org/military/ops/iraq_

casualties.htm