Rafle de Vel' d'Hiv - Villepin appelle au devoir de mémoire
Dix ans après le discours de Jacques Chirac reconnaissant la responsabilité de l'État français dans la déportation des Juifs sous l'occupation, le premier ministre, Dominique de Villepin, a affirmé hier «la certitude de la mémoire» et a assuré que les autorités françaises se porteraient «garantes du souvenir et du respect».
Le premier ministre, qui a prononcé un discours devant le monument commémoratif de la rafle du Vél' d'Hiv, dans le XVe arrondissement de Paris, en présence des représentants de la communauté juive, a souligné qu'il n'y a de mémoire «que vivante et active». «Nous devons apprendre avec elle à éviter les pièges d'un fanatisme qui, malgré les leçons du passé, ne désarme jamais tout à fait. Nous devons trouver en elle la force de construire le monde. Votre mémoire ne sera pas un tombeau mais une lumière qui transperce la nuit», a-t-il dit.Dominique de Villepin a appelé à lutter «sans relâche contre toutes les formes d'antisémitisme, de racisme ou de xénophobie». «Dans ce domaine, toute attaque physique ou verbale, toute atteinte, toute négation est inacceptable. Ce sont des fautes contraires à l'esprit de la République. Mon gouvernement les combattra avec la plus grande sévérité. [...] Contre la haine, toutes les haines, contre le terrorisme qui ensanglante nos capitales et fait peser une menace sur tous les peuples, affirmons nos principes et le respect de l'État de droit», a-t-il insisté, dix jours après les attentats de Londres.
«La plus grande fermeté, oui. La plus grande vigilance, oui. La coopération la plus étroite entre tous les États, oui. Ne donnons pas aux terroristes la satisfaction de semer la peur et le doute dans nos esprits. À force de volonté et de justice, nous gagnerons ce combat», a aussi estimé M. de Villepin, qui était accompagné de plusieurs membres du gouvernement.
«Nous sommes à un moment décisif de l'histoire de la commémoration de la rafle du Vél' d'Hiv. À l'heure où la mémoire brûlante des vivants peut encore faire surgir pour nous les images de ce qu'ils ont vécu», a souligné Dominique de Villepin à l'adresse des survivants de la Shoah.
«Nul n'oubliera vos bagages d'ombre»
«À vous qui portez témoignage, nous devons répondre par la certitude de la mémoire, qui fait la vie plus grande, qui fait la vie plus vraie [...]. Vous, Juifs de France, devez avoir la certitude que vos enfants, vos petits-enfants, vos proches, pourront à leur tour raconter et rappeler. Vous devez avoir la certitude que les livres d'histoire garderont l'empreinte de ce qui devait rester secret, que chaque citoyen, que chaque enfant portera gravé au fond de lui votre témoignage», a-t-il dit.
«Je veux vous dire que les autorités de votre pays se porteront garantes du souvenir et du respect. Contre ce qui ronge, nul n'oubliera vos bagages d'ombre et les visages à claire-voie. Votre histoire et celle de la République, que vous avez toujours servie, ne font qu'un», a-t-il insisté.
Dominique de Villepin a évoqué ces journées des 16 et 17 juillet 1942 où «la France livrait à la détresse et à la cendre ceux qui étaient sa lumière et sa vie». «Aux premières heures du matin, elle bafouait les plus essentielles de ses valeurs pour se faire la complice des bourreaux. Prévenant les ordres de l'occupant, certains hauts responsables de l'administration de Vichy — Laval, assisté de Bousquet et de Darquier de Pellepoix — recommandaient de n'épargner personne», a-t-il précisé, faisant écho aux paroles de Jacques Chirac il y a dix ans.
Les 16 et 17 juillet 1942, 12 884 personnes de confession juive de la région parisienne furent raflées. Plus de 8000 personnes de tous âges furent rassemblées au Vélodrome d'Hiver. Elles y passèrent six jours, avant d'être transférées vers le camp de Drancy puis déportées vers les camps d'extermination.
Suivront d'autres rafles, d'autres arrestations. À Paris et en province. Soixante-quatorze trains partiront vers les camps de la «solution finale». Soixante-seize mille Juifs de France ont été déportés et seuls 2000 sont revenus.
Dominique de Villepin s'était rendu en début de matinée au Mémorial du martyr juif, dans le Marais. Il s'est recueilli devant le Mur des noms de ces 76 000 personnes et dans la salle où sont exposées les photos des enfants déportés.
Lors de son discours, le premier ministre s'est interrompu, la voix brisée par l'émotion, en lisant les mots retrouvés sur un billet jeté d'un wagon en partance pour les camps. Marc-Mose, 11 ans, s'interrogeait: «Je suis dans un train pour où? Je vous jure que ce n'est pas par imprudence que je suis là.»