Tensions commerciales entre Damas et Beyrouth

Beyrouth — La Syrie et le Liban connaissent des tensions commerciales avec l'arrestation de pêcheurs et le quasi-blocus imposé par Damas au transit de marchandises libanaises à travers son territoire vers les pays arabes.

Si la Syrie justifie pour des raisons de sécurité le renforcement de ses contrôles routiers aux camions traversant son territoire, Nasri Khoury, secrétaire général du Conseil supérieur libano-syrien, évoque un climat politique malsain entre les deux pays.

Les autorités syriennes ont arrêté neuf pêcheurs libanais depuis mercredi, dont cinq hier, qui avaient pénétré dans les eaux territoriales de la Syrie, selon une source sécuritaire libanaise. «Les patrouilles des ports syriens à Tartous [nord-ouest de la Syrie] ont arrêté aujourd'hui cinq pêcheurs libanais qui se trouvaient à l'intérieur des eaux territoriales syriennes», a indiqué cette source à l'AFP. Mercredi, quatre pêcheurs avaient été arrêtés dans les mêmes circonstances. Il s'agit des «premiers incidents du genre» selon Salem Deknache, chef du syndicat des pêcheurs dans le nord du Liban, qui a appelé à une grève «symbolique» aujourd'hui pour protester «contre cette mesure non fraternelle». Ce syndicat souligne que «depuis des années des pêcheurs libanais s'aventurent dans les eaux territoriales syriennes sans être inquiétés» et qu'«un grand nombre de pêcheurs syriens opèrent dans les ports du Liban».

«Il s'agit d'une mesure judiciaire. Les barques de pêcheurs qui ont été saisies n'avaient pas d'autorisation préalable. C'est une contravention», a déclaré le ministre syrien des Transports Makram Obeid cité hier par le quotidien al-Baas. «L'affaire est portée devant un tribunal compétent qui prendra la décision adéquate», a-t-il ajouté.

Toutefois, le syndicat libanais réclame la libération «immédiate» des pêcheurs en invoquant le traité «de fraternité, de coordination et de coopération» ratifié en 1991 entre le Liban et la Syrie.

Mais les relations entre les deux pays se sont largement détériorées après le retrait le 26 avril des troupes syriennes présentes au Liban depuis 1976 sous la pression internationale et celle de la rue libanaise, qui a crié son hostilité au maintien de la tutelle syrienne.

Les arrestations des pêcheurs sont venues s'ajouter aux mesures draconiennes prises depuis trois semaines par les autorités syriennes aux principaux postes frontières, en dépit des accords existants, et ayant pour objectif de faciliter le déplacement des marchandises dans le cadre des «relations privilégiées entre les deux pays». En effet, des centaines de camions immatriculés au Liban, en Syrie et dans des pays arabes, vides ou chargés, sont bloqués aux principaux points de passage au nord et à l'est du Liban, où de longues files de véhicules se sont formées des deux côtés de la frontière. Arguant de la sécurité — empêcher l'entrée d'explosifs et d'armes en Syrie et de colis piégés — puis d'une réorganisation des douanes, la Syrie a accentué ses fouilles malgré les protestations des exportateurs libanais, agriculteurs et industriels.

Des sources américaines citées par le quotidien An-Nahar accusent «la Syrie d'imposer un blocus économique au Liban».

Le chef de l'Église maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, a incité dans son sermon du dimanche, les responsables libanais «à oeuvrer pour assurer la libre circulation des marchandises afin de protéger le pain des pauvres».

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