La Cour d'appel autorise les procès à Guantánamo
Washington — Une cour d'appel américaine a offert hier une victoire à l'administration Bush en tranchant en faveur des tribunaux militaires d'exception créés pour juger des détenus de Guantánamo, une décision qui pourrait cependant faire l'objet de nouveaux appels.
Les trois juges fédéraux devaient trancher le cas, examiné en avril, de l'ancien chauffeur d'Oussama ben Laden, le Yéménite Salim Ahmed Hamdan, 35 ans, détenu depuis le début de 2002 sur la base américaine de Guantánamo (Cuba). Il avait été le premier désigné par les autorités militaires pour être jugé devant une «commission militaire», tribunal d'exception mis en place spécifiquement pour juger une quinzaine de détenus de Guantánamo.La cour d'appel fédérale de Washington a validé hier la compétence de ces tribunaux d'exception, en s'appuyant notamment sur une résolution du Congrès, promulguée dans les jours ayant suivi les attentats du 11 septembre 2001 et qui accorde des pouvoirs accrus à l'administration en matière de terrorisme.
«Nous établissons ainsi qu'à travers la résolution et deux autres textes, le Congrès a autorisé les commissions militaires qui jugeront Hamdan», déclarent les trois juges.
Les avocats de Hamdan ont indiqué dans un communiqué qu'ils feraient appel de la décision, sans préciser s'ils le feraient auprès d'une cour d'appel fédérale au complet ou directement auprès de la Cour suprême, plus haute instance judiciaire du pays.
La décision d'hier «contredit 200 ans de droit constitutionnel», estiment Neal Katyal, professeur de droit à Georgetown University à Washington, et le commandant Charles Swift, principal conseil militaire, en donnant «au président l'autorité pure et simple de développer sans limite les tribunaux militaires, menaçant le système du droit international appliqué aux conflit armés partout dans le monde».
Le procès de M. Hamdan aurait dû commencer en décembre. Mais, début novembre, un juge fédéral de Washington avait interrompu le processus, infligeant un sérieux revers au gouvernement en estimant injuste la procédure suivie. La Cour d'appel a infirmé ce jugement hier, en arguant aussi, à l'instar du gouvernement Bush, que les conventions de Genève sur les droits des prisonniers de guerre ne s'appliquent pas à l'ancien chauffeur de Ben Laden.
En revanche, elle affirme que Hamdan, s'il était condamné par un tribunal militaire d'exception à Guantánamo, aura la possibilité de faire appel de sa condamnation devant un tribunal civil «après avoir épuisé les recours militaires».
Les avocats du Yéménite avaient soutenu en avril qu'un jugement devant un tribunal militaire d'exception, créé ex nihilo par le gouvernement Bush pour une douzaine de détenus de Guantánamo, serait contraire aux règles du droit international.
Le juge de première instance, James Robertson, leur avait donné raison, estimant que Hamdan devait être considéré comme un prisonnier de guerre, selon le statut défini par les conventions de Genève. À moins qu'un «tribunal compétent ne détermine que Hamdan ne bénéficie pas du statut de prisonnier de guerre, il ne peut être jugé pour les délits dont il est accusé que par une cour martiale» classique, avait-il affirmé.