Tian’anmen: plusieurs figures pro-démocratie arrêtées à Hong Kong

La fin de semaine dernière, la police a pris position en force dans le parc Victoria et ses alentours pour interroger toute personne soupçonnée de participer à une quelconque forme de commémoration publique des événements du 4 juin 1989.
Peter Parks Agence France-Presse La fin de semaine dernière, la police a pris position en force dans le parc Victoria et ses alentours pour interroger toute personne soupçonnée de participer à une quelconque forme de commémoration publique des événements du 4 juin 1989.

La police de Hong Kong a arrêté dimanche une vingtaine de personnes, principalement des figures du mouvement pro-démocratie, dont une dirigeante d’un parti d’opposition par la suite relâchée, à l’occasion du 34e anniversaire de la sanglante répression de la place Tian’anmen à Pékin.

La police a pris position en force le week-end dernier dans le parc Victoria et ses alentours pour intercepter toute personne soupçonnée de participer à une quelconque forme de commémoration publique des événements du 4 juin 1989.

Pendant plus de trente ans, des dizaines de milliers de personnes se sont réunies chaque année dans le parc Victoria pour une veillée aux chandelles en mémoire des victimes de Tian’anmen. Mais en 2020, Pékin a imposé une loi sur la sécurité nationale dans l’ex-colonie britannique pour museler toute dissidence après les gigantesques manifestations pro démocratie de 2019.

Dimanche, la responsable de la Ligue des sociaux-démocrates, Chan Po-ying, tenait une petite bougie DEL — un accessoire souvent utilisé lors des veillées commémorant la journée du 4 juin 1989 — et deux fleurs. La police l’a immédiatement interpellée avant de l’embarquer à bord d’une camionnette.

Son parti a indiqué qu’elle avait été relâchée deux heures plus tard.

Alexandra Wong, une militante pro-démocratie de 67 ans, a également été arrêtée alors qu’elle brandissait un bouquet de fleurs en hommage aux victimes de la répression de 1989, tout comme la journaliste et ancienne présidente de l’Association des journalistes de Hong Kong, Mak Yin-ting.

Une autre femme a été arrêtée après avoir crié « Brandissez des bougies ! Pleurez le 4/6 ! ».

La police de Hong Kong a indiqué dimanche soir avoir arrêté 23 personnes, âgées de 20 à 74 ans, pour avoir « troublé la paix ».

Vêtu de noir, un jeune homme portait, lui, un livre intitulé 35 mai au moment de son arrestation, une autre façon de désigner les événements de Tian’anmen qui ont eu lieu quatre jours après le 31 mai.

Après avoir été brièvement interrogée, fouillée puis relâchée, une femme a déclaré à l’Agence France-Presse en haussant les épaules : « Tout le monde sait quel jour on est aujourd’hui. »

Samedi, la police de Hong Kong avait déjà arrêté quatre personnes pour « conduite désordonnée sur la voie publique » et « actes à des fins séditieuses », et quatre autres pour « trouble à l’ordre public ».

Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a écrit, sur Twitter dimanche soir, « [être] alarmé par les informations faisant état de détentions » à Hong Kong, et a appelé à la « libération de toute personne détenue pour avoir exercé sa liberté d’expression et de réunion pacifique. »

Effacer le souvenir

 

En Chine continentale, toute trace des événements de Tian’anmen a été effacée par les autorités. Les manuels d’histoire n’en font pas mention, et les discussions en ligne sur ce sujet sont systématiquement censurées.

Cette année, la police chinoise a également surveillé plusieurs sites emblématiques du rare mouvement d’hostilité envers le régime de Xi Jinping qui a éclaté à l’automne dernier.

Un important dispositif policier a été déployé autour du pont Sitong de Pékin, théâtre d’une manifestation fin novembre où une banderole réclamant plus de liberté avait été déroulée.

« Entretenir cette mémoire »

Dimanche soir, à la nuit tombée, des dizaines de bougies étaient visibles derrière les fenêtres du consulat américain de Hong Kong.

Par ailleurs, des commémorations étaient prévues au Japon, à Sydney, ou encore à New York.

À Taïwan, environ 500 personnes se sont réunies dans la soirée sur la place de la Liberté de Taipei, chantant « Luttons pour la liberté, soutenons Hong Kong ».

Elles ont disposé des bougies dessinant dans la nuit le chiffre 8964, un symbole du 4 juin 1989.

« Nous devons chérir la liberté et la démocratie que nous avons à Taiwan », a dit Perry Wu, 31 ans.

À Londres, environ 200 personnes ont assisté à une reconstitution satirique des événements de Tian’anmen, avec des femmes habillées de blanc représentant la « statue de la Liberté » érigée en 1989 par les étudiants. Les manifestants, dont la plupart étaient originaires de Hong Kong, se sont ensuite rendus devant l’ambassade de Chine.

Parmi eux, un poète, âgé de 59 ans, originaire du Sichuan (sud-ouest de la Chine), raconte que sa famille a fui le pays juste après les événements de 1989.

« Les Chinois de ma génération savent ce qui s’est passé, mais les plus jeunes, pas vraiment », explique l’homme, qui ne veut pas donner son nom, ajoutant : « alors, leurs parents et leurs grands-parents doivent entretenir cette mémoire ».

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