Le G7 en perte d’influence, sur fond de tensions avec la Chine

Les dirigeants du G7
Kyodo News via Associated Press Les dirigeants du G7

Les dirigeants des pays du G7 ont envoyé des messages clairs, en conclusion du sommet à Hiroshima, dimanche. Ils somment la Chine d’arrêter ses « activités d’ingérence » et affirment qu’ils soutiendront l’Ukraine coûte que coûte face à la Russie, « aussi longtemps qu’il le faudra ». Or, la portée de leurs résolutions demeure limitée, et leur influence s’affaiblit, au profit de puissances émergentes.

« C’est une évidence : le G7 perd des plumes », lance d’entrée de jeu Charles-Philippe David, professeur de science politique et fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Le PIB des pays du G7 est en forte diminution, et le groupe, en tant qu’institution, devient de moins en moins influent » d’un point de vue géopolitique, dit-il.

Roromme Chantal, professeur à l’Université de Moncton, spécialiste des relations internationales, explique que de nouveaux joueurs profitent de cette perte d’influence : « D’ici 10 ans, il n’y aura qu’une seule puissance économique occidentale parmi les cinq plus grandes dans le monde : les États-Unis. Les quatre autres seront en Asie : le Japon (membre du G7), mais aussi la Chine, l’Inde et la Corée du Sud ».

C’est entre autres pourquoi le G7 a invité l’Inde, le Brésil et l’Indonésie à titre d’observateurs du sommet. Justin Trudeau y a d’ailleurs rencontré le premier ministre indien, Narendra Modī, et le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva. Leurs deux pays font partie du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), un groupe dont l’influence devient comparable à celle du G7, selon M. Chantal.

Quelle place pour le Canada ?

Ce dernier ajoute que le G7 est devenu « anachronique », puisque « ses déclarations n’ont plus la portée d’autrefois et qu’elles n’inquiètent plus la Chine ». M. David abonde en ce sens : « Ces sommets-là n’aboutissent pas à des résultats concrets. Le G7, c’est plutôt comme un thermomètre qui nous permet de jauger le climat géopolitique ».

Alors, que nous dit le thermomètre quant à l’importance du Canada dans le monde ? M. David estime que sous Justin Trudeau, le pays est « en perte de vitesse », et qu’on a pu le constater cette fin de semaine.

Le professeur se remémore les efforts qu’avait menés Pierre Elliott Trudeau pour convaincre les grandes puissances de réduire leur armement nucléaire pendant la guerre froide, ou encore ceux de Brian Mulroney, qui avait convaincu ses homologues de sanctionner l’Afrique du Sud, en réponse à l’apartheid. « Justin Trudeau pourrait s’inspirer de son père et prendre les devants sur la question de l’armement, qui prend de l’ampleur ce moment, mais ce n’est pas son style. »

Mardi dernier, l’institut Angus Reid a justement dévoilé un sondage selon lequel près la moitié des Canadiens ont l’impression que la réputation du Canada à l’international est en déclin. Le taux d’approbation de la politique étrangère canadienne est aussi à son plus bas depuis le début du gouvernement Trudeau, passant de 79 %, en 2016, à 51 %, en 2023, selon le même sondage.

M. Trudeau s’est tout de même imposé sur certains dossiers, lors du sommet. Il a notamment critiqué la dirigeante d’extrême droite italienne, Giorgia Meloni, pour ses positions sur les personnes LGBTQ+ et a convaincu les autres pays membres du groupe de faire front commun contre l’ingérence chinoise, dans un communiqué publié samedi.

La Chine, l’éléphant dans la pièce

Ingérence politique, exercices militaires à Taïwan, échanges commerciaux avec la Russie… Plusieurs dossiers ont été reprochés à la Chine de Xi Jinping, en marge du sommet, bien que les membres du G7 aient réitéré vouloir poursuivre leur coopération économique avec le pays le plus populeux de la planète.

« C’est un jeu d’équilibriste », résume Patrick Leblond, professeur à l’Université d’Ottawa, spécialiste des relations économiques internationales. « D’un côté, on veut réduire la dépendance à [et l’influence de] la Chine, notamment dans le secteur technologique. Mais le gouvernement de Xi Jinping peut aussi faire preuve de comportements agressifs et imprévisibles. On veut donc réduire le risque de conflits militaires à tout prix ».

Lors d’un point de presse, à la fermeture du sommet, dimanche, Justin Trudeau a tout de même déclaré qu’il fallait « continuer de se protéger contre les pays autoritaires qui se servent de leur pouvoir économique pour exercer des pressions injustes sur les autres ».

Rappelons que la semaine dernière, le ministère chinois des Affaires étrangères a répliqué que la Chine était elle-même victime de coercition économique par l’Occident. M. Chantal souligne justement que « ce sont les États-Unis qui ont pratiquement inventé la coercition économique » et que « les appels de l’Occident, au Sud global, à s’unir pour contrer l’influence grandissante de la Chine, pourraient être perçus comme de l’hypocrisie ».

Zelensky monopolise l’attention

Les pays du G7 ont également abordé la question des changements climatiques et de l’aide humanitaire aux pays « pauvres ou en voie de développement », comme l’a rappelé M. Trudeau, soulignant les engagements du groupe à fournir 600 milliards de dollars d’aide pour des projets infrastructure d’ici 2027.

Une personne a toutefois monopolisé l’attention médiatique et a éclipsé les autres dossiers. Il s’agit bien sûr du président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui s’est rendu sur place. Il s’est fait offrir, samedi, davantage d’aide militaire, notamment de la part des États-Unis. Joe Biden a promis plus d’artillerie, de munitions et de véhicules blindés, d’une valeur de 375 millions de dollars. Le président brésilien a cependant maintenu qu’il n’enverrait pas d’armes à l’Ukraine, bien qu’il ait dit souhaiter un cessez-le-feu.

Charles-Philippe David soutient que « la mesure d’aide récente la plus importante » demeure la promesse, de la part des États-Unis, d’envoyer des avions de chasse F-16 à l’Ukraine — ce qu’il a longtemps hésité à faire.

« Seule une victoire militaire pourra changer le cours des choses, dit-il. Les sanctions économiques comme celles qui ont été annoncées [vendredi] ne seront pas suffisantes pour faire plier Poutine, parce que la Russie a encore de grandes réserves monétaires et continue de vendre son pétrole ». C’est même précisément la guerre en Ukraine qui fait dire à M. David que le G7 « demeure significatif ». « Sur ce dossier, ils font vraiment toute la différence ».

À voir en vidéo