L’OTAN pourrait fixer des échéanciers précis pour la cible de 2 % du PIB en défense

Le secrétaire général de l’OTAN a menacé mercredi de faire monter la pression sur les membres qui traînent de la patte en matière de budget militaire, comme le Canada, en invitant les pays de l’Alliance atlantique à respecter des objectifs et un échéancier précis.
Alors que la guerre en Ukraine et d’autres menaces rongent les budgets militaires, Jens Stoltenberg a spécifiquement exhorté les 30 membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) à renouveler leurs engagements à consacrer au moins 2 % de leur PIB à la défense.
Les États membres de l’alliance militaire, dont le Canada, ont convenu pour la première fois en 2014 de « viser » à consacrer 2 % de leur PIB à la défense au cours de la prochaine décennie, après l’invasion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie.
Pourtant, le Canada a longtemps été à la traîne de la plupart de ses alliés en termes de dépenses en pourcentage du PIB. Les gouvernements fédéraux successifs — conservateur et libéral — ont plutôt insisté sur le fait que cette cible de 2 % du PIB constituait en fait une « ligne directrice », et non une exigence formelle.
S’adressant aux journalistes à Bruxelles à l’issue d’une réunion des ministres de la Défense des pays de l’OTAN, M. Stoltenberg a déclaré mercredi que les alliés avaient commencé à évoquer l’établissement d’un nouvel objectif de dépenses.
Certains membres ont suggéré 2,5 %, d’autres estiment que cette cible est irréaliste. Or, plutôt que de relever ou d’abaisser la barre, M. Stoltenberg a suggéré que tous les alliés soient obligés de respecter réellement celle qui est là.
« Au lieu de changer les 2 %, je pense que nous devrions les considérer non plus comme un plafond, mais comme un plancher et un minimum », a-t-il déclaré.
« Nous avons besoin d’un engagement immédiat pour dépenser au moins 2 %, car lorsque nous voyons les besoins en munitions, en défense aérienne, en formation, en préparation, en capacités haut de gamme, il est évident que 2 % des dépenses de défense, c’est le minimum. »
Un rapport publié par M. Stoltenberg l’été dernier estimait que les dépenses de défense du Canada seraient en pourcentage du PIB de 1,27 % l’an dernier, contre 1,32 % en 2021 et 1,42 % en 2020.
Seuls cinq alliés de l’OTAN devaient consacrer moins de leur PIB à l’armée : la Slovénie, la Turquie, la Belgique, l’Espagne et le Luxembourg. La Slovénie et l’Espagne font partie des pays qui se sont engagés à atteindre l’objectif de 2 % au cours des prochaines années.
Anand maintient le cap
Interrogée en marge de la réunion de Bruxelles, mercredi, la ministre canadienne de la Défense, Anita Anand, a maintenu essentiellement le cap sur le scénario initial, en réitérant que le Canada intensifiait ses engagements de diverses manières.
Cela comprend une injection de 8 milliards de dollars sur cinq ans dans le budget fédéral de l’année dernière, ce qui ferait passer les dépenses à 1,5 % du PIB d’ici la fin. La ministre Anand a également souligné le rôle du Canada en Lettonie, où il dirige un groupement tactique de l’OTAN pour se défendre contre la Russie.
« Il faut bien faire comprendre que le Canada est le sixième plus grand contributeur de l’alliance en matière de défense, et en termes d’apport d’argent frais, le Canada est l’un des leaders », a-t-elle ajouté.
Il semble y avoir peu d’appétit politique à Ottawa pour une nouvelle injection importante d’argent dans l’armée au-delà de ce qui a déjà été promis, d’autant plus que le gouvernement de Justin Trudeau fait face à des pressions pour dépenser davantage dans d’autres secteurs comme les soins de santé.
75 milliards de dollars sur cinq ans ?
L’ampleur des dépenses requises pour atteindre l’objectif de 2 % est également stupéfiante : le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux, a estimé qu’il faudrait y consacrer 75 milliards de dollars supplémentaires au cours des cinq prochaines années.
De nombreux pays insistent également sur le fait que c’est la qualité de leur équipement et le montant des contributions que les alliés apportent aux opérations de l’OTAN qui sont les plus importants. Les pourcentages du PIB sont également des indicateurs trompeurs, car les enveloppes semblent plus importantes lorsque les économies battent de l’aile.
Pourtant, si d’autres alliés tiennent compte de l’appel de Stoltenberg et tentent de durcir l’objectif de dépenses, cela exercera une pression réelle sur le Canada, a déclaré l’analyste de la défense David Perry, du groupe de réflexion de l’Institut canadien des affaires mondiales à Ottawa.
L’OTAN est une organisation fondée sur le consensus, ce qui signifie que tous les membres devront accepter toute modification de l’objectif de dépenses. « Et je pense que quelles que soient les critiques qu’il y a au Canada [à propos de la cible], d’autres alliés vont prendre cette mesure au sérieux », estime M. Perry.
Même sans nouveaux engagements de dépenses importants, il estime qu’Ottawa pourrait commencer à montrer des progrès aux alliés s’il était en mesure de dépenser l’argent déjà affecté au nouveau matériel militaire en particulier.
La Presse canadienne a rapporté le mois dernier que le ministère de la Défense nationale n’avait pas été en mesure de dépenser 2,5 milliards de dollars de son budget approuvé l’an dernier, en raison de retards dans divers projets d’approvisionnement et d’infrastructure.