La Russie rend hommage à ses militaires tués en Ukraine

Fleurs et prières : des rassemblements se sont déroulés mardi en Russie pour rendre hommage aux dizaines de militaires tués par une frappe dans l’est de l’Ukraine, un choc qui a déclenché une vague de critiques contre l’armée.
Fait inhabituel en Russie, où les pouvoirs publics restent discrets sur les pertes militaires en Ukraine : environ 200 personnes se sont réunies, avec l’aval des autorités, à Samara, la neuvième ville de Russie, d’où étaient originaires certains des soldats tués.
Certaines personnes ont déposé des fleurs devant une flamme éternelle sur l’une des principales places de la ville, avant de s’incliner respectueusement, d’après un correspondant de l’AFP.
Selon des médias locaux, des rassemblements avaient aussi lieu dans d’autres cités de la région, notamment à Togliatti et à Syzran.
Dans un aveu rarissime, le ministère russe de la Défense a admis lundi que 63 militaires avaient péri dans une frappe ukrainienne le soir du Nouvel An sur un bâtiment où ils étaient regroupés à Makiïvka, une ville sous occupation russe de la région de Donetsk, dont Moscou revendique l’annexion.
Alors que Kiev évoquait un bilan bien plus élevé à la suite de cette annonce, le bilan officiel de la Russie a atteint, mardi soir, 89 morts, selon les déclarations du général Sergueï Sevrioukov, dans une nouvelle vidéo du ministère russe de la Défense.
« À l’heure actuelle, une commission mène l’enquête sur les circonstances » de l’attaque, a ajouté le général. « Mais il est déjà évident que la cause principale [...] est l’allumage et l’utilisation massive par le personnel de téléphones portables à portée des armes ennemies, contrairement à l’interdiction », a-t-il expliqué.
Ces pertes, qui font partie des plus importantes qu’a subies Moscou au cours d’une seule attaque depuis le début de l’offensive contre l’Ukraine le 24 février, ont suscité des critiques de la part de commentateurs nationalistes pourtant favorables à l’intervention militaire.
L’émotion était vive puisque les soldats tués étaient des réservistes qui avaient été mobilisés.
« Vengeance »
« Je n’ai pas dormi depuis trois jours », a déclaré, pendant la cérémonie à Samara, Ekaterina Kolotovkina, l’épouse d’un général russe et présidente d’un comité de femmes proche de l’armée.
« Pour la première fois depuis le début de l’opération militaire spéciale, j’ai demandé [à mon mari] de nous venger pour les larmes des mères, pour les veuves inconsolables, pour les orphelins », a-t-elle ajouté.
Sur Telegram, lundi, un groupe se présentant comme composé de « veuves de soldats » russes a, quant à lui, appelé Vladimir Poutine à entamer une « mobilisation à grande échelle » pour « sauver » la Russie.
Le président russe n’a pas encore réagi à l’attaque à Makiïvka, annoncée en pleine semaine fériée du Noël orthodoxe, une période traditionnellement joyeuse où les Russes se retrouvent en famille.
Le Kremlin a seulement fait savoir mardi qu’il avait ordonné un rapport au ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, sur l’état des équipements fournis aux troupes russes en Ukraine et sur les « mesures » à prendre pour les renforcer.
Selon le ministère russe de la Défense, les missiles ayant frappé Makiïvka ont été tirés par des lance-roquettes multiples HIMARS, une arme fournie par les États-Unis aux forces ukrainiennes.
Après les défaites essuyées ces derniers mois par Moscou à Kharkiv et à Kherson, qui avaient donné lieu à des critiques contre le commandement militaire russe, cette hécatombe a suscité un nouveau pic de colère et des appels à châtier les responsables.
« Quelles conclusions seront tirées ? Qui sera puni ? » a lancé le député communiste Mikhaïl Matveïev, élu à Samara.
Plusieurs commentateurs partisans de l’intervention militaire très suivis sur les réseaux sociaux se sont notamment insurgés contre la possibilité que des munitions aient été entreposées dans le même bâtiment ayant servi à héberger les soldats.
Le compte Telegram Rybar — qui a plus d’un million d’abonnés — a ainsi critiqué la « naïveté criminelle » ayant conduit à les loger à côté de ce dépôt de munitions.
D’autres ont souligné que les militaires avaient été installés dans un bâtiment ordinaire non protégé et ont déploré le fait que des informations sur la localisation de soldats russes, en particulier via la géolocalisation de leurs téléphones, parvenaient régulièrement à l’armée ukrainienne.
« Chaque maison, une forteresse »
De leur côté, les Ukrainiens ont dit avoir fait face à plusieurs attaques depuis le Nouvel An.
Lundi, Kiev a de nouveau essuyé des tirs de drones de fabrication iranienne, mais la majeure partie d’entre eux ont été abattus, selon les autorités. Le président Volodymyr Zelensky a affirmé que son armée avait, au total, détruit plus de 80 appareils.
Lundi soir, le gouverneur de la région de Kharkiv, Oleg Synegoubov, a souligné que la deuxième plus grande ville d’Ukraine et sa région avaient été la cible de missiles russes.
Les combats les plus âpres se déroulent toutefois autour de la ville de Bakhmout, sans réelle importance stratégique, mais que les forces russes, emmenées par le groupe de mercenaires Wagner, s’efforcent de prendre depuis des mois.
Le chef de cette organisation, Evgueni Prigojine, un homme d’affaires proche de Vladimir Poutine, a reconnu que la situation y était difficile.
Parfois, ses hommes se battent « pendant des semaines pour [prendre] une maison », a-t-il déclaré dans un entretien avec l’agence de presse russe Ria-Novosti publié mardi.