La guerre numérique est déclarée

Les succès ukrainiens reposent sur un «mode décentralisé, centré sur les réseaux, avec une certaine forme d’autonomie donnée aux soldats», note David Grondin.
Photo: Genya Savilov Agence France-Presse Les succès ukrainiens reposent sur un «mode décentralisé, centré sur les réseaux, avec une certaine forme d’autonomie donnée aux soldats», note David Grondin.

Retour sur les répercussions de l’invasion russe en Ukraine, qui a marqué le monde en 2022.

La guerre du Vietnam aura été la première guerre télévisée, la guerre du Golfe, la première diffusée sans interruption sur les chaînes d’information en continu. La guerre en Ukraine marquera l’histoire comme étant la première guerre captée par des téléphones intelligents.

« [Ces appareils] ont changé la façon de faire la guerre. C’est là pour rester », confirme David Grondin, qui enseigne le cours Guerre et communication à l’Université de Montréal.

Tout Ukrainien armé d’un téléphone devient un soldat de l’information. Une « barrière floue entre combattant et non-combattant » se dresse sur les territoires en guerre en dépit « des dangers qui sont liés à ça tout le temps », observe le spécialiste. « Bien malgré eux, les civils deviennent des témoins, deviennent des relayeurs d’information, mais ultimement, aussi, des cibles. C’est documenté, il y a eu des civils qui ont été abattus parce qu’ils avaient des téléphones entre les mains. »

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L’État ukrainien peut néanmoins compter sur cette armée de témoins pour prouver les fondements de ses revendications politiques. Les explosions des premières bombes ont fait le tour du monde le jour même où elles sont tombées, démontrant à tous la cruauté des Russes. Les images de tanks ennemis détruits ont ensuite prouvé que l’armée de Zelensky pouvait se défendre, justifiant la livraison d’armes. C’est maintenant au tour des témoignages de familles ukrainiennes plongées dans le noir d’inonder les fils d’actualité, soulevant l’empathie en Europe. Et l’aide humanitaire qui en découle.

Les succès ukrainiens reposent sur un « mode décentralisé, centré sur les réseaux, avec une certaine forme d’autonomie donnée aux soldats », note David Grondin. « C’est la grande différence avec les militaires russes qui dépendent d’un pouvoir autoritaire central. »

Le monde, ce public qui participe

Il n’y a pas que les Ukrainiens qui participent à cet effort de guerre. Toutes sortes de nouveaux volontaires s’enrôlent derrière leur clavier.

Les soldats font appel à la générosité du public pour s’acheter de l’équipement, par des campagnes de sociofinancement.

Le président Volodymyr Zelensky a lui-même lancé une campagne de ce type pour financer la guerre. Le pactole a atteint plus de 248 millions $US jusqu’à présent. Des pays voisins l’ont imité afin de financer l’achat d’équipements militaires. Par exemple, la Tchéquie récolte de l’argent pour des tanks et la Lituanie sociofinance l’achat de drones.

Sinon, des analystes amateurs ou professionnels suivent pas à pas les nouvelles qui parviennent du front, jusqu’à fournir une carte en temps réel du théâtre de la guerre.

« Il y a aussi beaucoup de memes sur la guerre en Ukraine. Ils alimentent le discours. L’État lui-même réagit. Il y a des gens affectés à en faire », relève David Grondin.

Zelensky et son équipe inondent Internet de ce type de messages de propagande, sans compter l’adresse présidentielle quotidienne relayée sur tous les réseaux sociaux possibles. Puisque la guerre se gagne aussi dans le coeur et les esprits, l’Ukraine a déjà gagné sur ce terrain-là.



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