«L’humanité a un choix: coopérer ou périr»

António Guterres s’est adressé lundi aux près de 100 chefs d’État et de gouvernement réunis à Charm el-Cheikh, au début de la COP27.
Joseph Eid Agence France-Presse António Guterres s’est adressé lundi aux près de 100 chefs d’État et de gouvernement réunis à Charm el-Cheikh, au début de la COP27.

L’inaction face à la crise climatique qui s’accélère s’apparente à un « suicide collectif », a lancé lundi le patron de l’ONU aux grands de ce monde réunis à la COP27 en Égypte, les exhortant à renforcer la lutte avant qu’il ne soit trop tard.

« L’humanité a un choix : coopérer ou périr. C’est soit un pacte de solidarité climatique, soit un pacte de suicide collectif », a clamé António Guterres devant près de 100 chefs d’État et de gouvernement réunis à Charm el-Cheikh. Car face à l’urgence, il s’agit de mettre le maximum de pression sur les pays pour qu’ils renforcent la lutte contre le réchauffement, malgré la « polycrise » qui accapare leur attention : guerre en Ukraine, crises énergétique et alimentaire, retour de l’inflation, récession qui menace…

Le climat est « la question déterminante de notre temps », et il serait « inacceptable, scandaleux et autodestructeur » de la reléguer « au second plan », a souligné M. Guterres.

« Terre de souffrance »

« Le monde est devenu une terre de souffrance », a lancé l’hôte du sommet, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, en référence à la multiplication des impacts catastrophiques du réchauffement : inondations dévastatrices, canicules, sécheresses mettant à mal les récoltes. « N’est-il pas temps d’y mettre fin ? »

Mais les engagements actuels des pays sont loin d’être à la hauteur des objectifs de l’Accord de Paris de 2015, pierre angulaire de la diplomatie climatique. À savoir de contenir le réchauffement de la planète « nettement » sous les 2 °C par rapport à l’ère préindustrielle, et si possible à 1,5 °C.

Les dernières « contributions nationales », si elles étaient pour une fois pleinement respectées, laisseraient au mieux le monde sur une trajectoire de réchauffement de 2,4 °C d’ici à la fin du siècle, selon l’ONU.

Et avec les politiques menées actuellement, c’est même une catastrophique hausse de 2,8 °C qui se profile.

Simon Stiell, le patron d’ONU Climat, a lui aussi clairement mis les responsables politiques en première ligne, leur demandant de mettre en adéquation déclarations publiques et actes. « La responsabilité est entre vos mains. »

Le chancelier allemand, Olaf Scholz, dont le pays est accusé de relancer une « course au gaz » en Afrique pour remplacer le gaz russe, a en tout cas fermement rejeté devant la COP toute « renaissance mondiale des énergies fossiles ».

Le monde est devenu une terre de souffrance. N’est-il pas temps d’y mettre fin ?

 

Une des hypothèques pesant sur la lutte climatique est le regain de tensions entre les deux plus grands pollueurs mondiaux, la Chine et les États-Unis. Leurs présidents ne se croiseront pas à Charm el-Cheikh, mais devraient se voir la semaine prochaine à Bali, au G20. Le patron de l’ONU les a appelés à assumer leur « responsabilité particulière ».

« Il faut qu’on ait les États-Unis et la Chine qui soient vraiment au rendez-vous » en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de solidarité financière, a déclaré le président français, Emmanuel Macron, en marge de la conférence.

Dégâts infligés

Ce volet des finances, notamment l’aide des pays riches aux plus pauvres, qui sont les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre à l’origine du réchauffement, mais qui sont souvent très exposés à leurs effets dévastateurs, est un des dossiers les plus épineux.

Pour la première fois, la question du financement des dommages déjà causés par le réchauffement sera ainsi à l’ordre du jour officiel d’une COP.

Ils se chiffrent déjà à des dizaines de milliards de dollars — plus de 30, par exemple, pour les récentes inondations qui ont mis sous l’eau un tiers du Pakistan — et devraient croître fortement.

Les pays vulnérables réclament un mécanisme de financement à part, mais les plus riches rechignent, craignant de voir leur responsabilité mise en cause et faisant valoir que le financement climat est déjà suffisamment complexe. « Nous devons être aidés pour réparer les dégâts que vous nous avez infligés », a résumé le président des Seychelles, Wavel Ramkalawan, rappelant la vulnérabilité de son petit pays insulaire.

« Les pertes et dommages ne sont pas le sujet abstrait d’un dialogue sans fin. C’est notre expérience quotidienne et le cauchemar vivant subi par des millions d’Africains », a indiqué au nom du groupe Afrique le président kényan, William Ruto.

M. Guterres a qualifié de « test décisif » l’obtention de résultats concrets sur ce dossier, mais la COP27 ne devrait pas déboucher sur une décision. Un horizon à 2024 a en effet été fixé pour les discussions, ce qui exaspère certains militants, qui réclamaient une décision dès la COP27.

Car la confiance sur ces dossiers est au plus bas entre pays du Nord et du Sud, les riches n’ayant toujours pas tenu leur engagement de fournir en 2020 aux plus pauvres 100 milliards de dollars par an d’aide pour la réduction des émissions et l’adaptation aux effets du changement climatique.

Le sommet se déroule entouré d’importantes mesures de sécurité et, selon l’ONG Human Rights Watch, les autorités égyptiennes ont interpellé des dizaines de personnes lançant des appels à manifester en marge de la COP. Les possibilités pour les militants climatiques de s’exprimer ou de manifester, tradition bien établie des conférences sur le climat, ont également été limitées.

L’égérie du mouvement mondial des jeunes pour le climat, Greta Thunberg, a d’ailleurs renoncé à y aller, qualifiant ces grands-messes de greenwashing. « Certaines déclarations faites par les leaders mondiaux et les chefs d’État lorsque les microphones sont éteints sont difficiles à croire lorsqu’on les raconte », a-t-elle assuré lundi à l’agence suédoise TT.

Au moins 15 000 morts en Europe à cause des canicules de 2022, selon l’OMS

Au moins 15 000 décès en Europe sont directement liés aux graves vagues de chaleur qui ont touché le continent durant l’été 2022, selon une estimation encore incomplète publiée lundi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à l’occasion de la COP27 sur le climat.

L’été 2022 a été le plus chaud enregistré sur le Vieux Continent, provoquant de nombreux records de température et de dramatiques incendies. « Sur la base des données nationales déjà publiées, il est estimé que 15 000 personnes sont mortes […] à cause de la chaleur en 2022 », indique le directeur de la branche européenne de l’OMS, Hans Kluge, dans un communiqué. Ce bilan, qui inclut 4500 morts en Allemagne, près de 4000 en Espagne, plus de 3200 au Royaume-Uni et un millier au Portugal, « devrait augmenter, plusieurs pays ayant rapporté des surmortalités liées à la chaleur », précise-t-il.

L’OMS souligne ainsi que l’institut français de la statistique, l’INSEE, a enregistré une surmortalité de 11 000 personnes durant l’été 2022 par rapport à l’été 2019, celui qui a précédé la pandémie de COVID-19, « probablement » expliquée par les très fortes chaleurs enregistrées en juin et en juillet, notamment. Selon les données de l’OMS, les températures extrêmes sont responsables de 148 000 décès en Europe depuis 50 ans. Avec 15 000 morts et sans doute plus, 2022 représenterait à elle seule plus de 10 % de ce total.

« Le changement climatique nous tue déjà, mais une action forte aujourd’hui peut éviter davantage de morts », souligne l’organisation onusienne de la santé, au moment où se tient la COP27 en Égypte.

Selon un rapport de l’ONU publié la semaine dernière, le continent européen est celui qui se réchauffe le plus rapidement, enregistrant une hausse des températures plus de deux fois supérieure à la moyenne planétaire au cours des trente dernières années.



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