Frappes meurtrières autour de la centrale nucléaire de Zaporijjia

Des bombardements russes ont tué au moins 14 civils dans la nuit de mardi à mercredi dans le centre-est de l’Ukraine, selon les autorités locales, non loin de la centrale nucléaire de Zaporijjia, que Moscou et Kiev s’accusent mutuellement d’avoir bombardée.
L’attaque nocturne dans la région de Dnipropetrovsk, voisine de celle de la centrale, a fait 13 morts et 11 blessés, dont 5 gravement, dans cette zone relativement sûre où sont évacués des civils du Donbass, plus à l’est, au coeur de l’offensive russe avec le sud-est de l’Ukraine.
« Nous avons passé une nuit horrible. […] C’est très dur de sortir les corps de sous les décombres », a raconté sur Telegram le gouverneur de la région de Dnipropetrovsk, Valentin Reznitchenkoa.
« Je vous en supplie, allez dans des endroits sûrs pendant les alertes aériennes […] Ne laissez pas les Russes vous tuer », a-t-il exhorté.
Cette attaque russe, menée avec des lance-roquettes multiples Grad, a visé la ville de Marganets, située face à la centrale nucléaire, sur l’autre rive du fleuve Dniepr, et le village de Vychtchetarassivka, selon le gouverneur.
« Quatre-vingts roquettes ont été tirées délibérément et insidieusement sur des quartiers résidentiels alors que les gens dormaient chez eux », a-t-il déclaré.
« Les forces armées d’Ukraine, nos services secrets et nos policiers donneront des suites à l’attaque russe à Marganets », a promis mercredi soir le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, dans son allocution quotidienne.
Une région « en danger »
Dans la région voisine de Zaporijjia, en partie contrôlée par les Russes, le gouverneur, Oleksandre Staroukh, a signalé une frappe russe ayant tué une habitante de 52 ans.
« Quatre missiles ont été tirés » sur le village de Kouchougoum mercredi matin, a-t-il écrit sur Telegram. « Quatre maisons privées ont été complètement détruites. Plusieurs dizaines de maisons n’ont plus de toit ni de fenêtres. L’approvisionnement en gaz et en électricité a été interrompu. »
Mercredi, le groupe des sept pays les plus industrialisés (G7) a réagi face à la situation près de la centrale de Zaporijjia, la plus grande d’Europe.
« Nous exigeons que la Russie rende immédiatement à son propriétaire souverain légitime, l’Ukraine, le contrôle total de la centrale, a écrit le G7 dans un communiqué. C’est le contrôle continu de la centrale par la Russie qui met la région en danger. »
La centrale, occupée par les Russes, est un sujet d’accusations mutuelles entre Moscou et Kiev, qui affirment que le camp adverse a bombardé les installations nucléaires la semaine dernière, sans qu’aucune source indépendante puisse le confirmer.
Le Conseil de sécurité de l’ONU tiendra jeudi après-midi une réunion d’urgence sur le sujet, selon des sources diplomatiques — une rencontre demandée par la Russie, d’après l’une de ces sources.
Volodymyr Zelensky a brandi le spectre de la catastrophe de Tchernobyl (nord de l’Ukraine) en 1986.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a indiqué dans un communiqué que son directeur général, Rafael Grossi, qui juge l’état de la centrale « extrêmement grave », informera le Conseil de sécurité « de la situation en matière de sûreté et de sécurité nucléaires » dans le complexe.
Mardi soir, l’opérateur ukrainien Energoatom a affirmé que les forces russes préparaient le raccordement de la centrale à la Crimée, presqu’île du sud de l’Ukraine annexée par Moscou en 2014, et l’endommageaient volontairement en procédant à cette réorientation de la production électrique.
De puissantes explosions ont ravagé mardi un dépôt de munitions sur un aérodrome militaire russe de Crimée, faisant au moins un mort et plusieurs blessés et provoquant la panique parmi les milliers de touristes russes en vacances sur la péninsule.
L’armée russe a affirmé qu’aucun tir ou bombardement n’avait été à l’origine de ces déflagrations.
Lente avancée mortifère
Les bombardements se poursuivaient aussi mercredi dans le Donbass, dans la région de Donetsk, où la ville de Soledar était pilonnée sans répit. Les forces russes tentent actuellement d’en chasser l’armée ukrainienne afin d’avancer vers la ville voisine, plus grande, de Bakhmout.
À la mi-journée, celle-ci a été touchée par des frappes russes qui ont fait six morts et trois blessés, selon le gouverneur régional, Pavlo Kyrylenko. « Les Russes ont bombardé la ville au lance-roquettes multiple, touchant un quartier résidentiel. Selon les premières informations, 12 immeubles d’habitation ont été endommagés et 4 sont en feu », a-t-il écrit sur Telegram.
Selon le ministère britannique de la Défense, « au cours des 30 derniers jours, l’assaut de la Russie vers la ville de Bakhmout a été son meilleur axe de progression dans le Donbass, mais sur cette période, elle n’est parvenue à avancer que de dix kilomètres ».
« Dans d’autres secteurs du Donbass où la Russie tentait une percée, ses forces n’ont pas gagné plus de trois kilomètres sur cette période de 30 jours, très certainement moins que prévu », a indiqué la même source.
À Soledar, ville minière d’environ 10 000 habitants avant la guerre, une poignée d’entre eux seulement se risquaient dans les rues trouées de cratères, bordées de magasins fermés ou détruits et d’immeubles aux vitres éclatées, a constaté un journaliste de l’AFP.
Les tirs d’artillerie et les frappes aériennes soulevaient une fumée noire et blanche au-dessus de la ville.
« La plupart des gens sont partis. C’est effrayant. Il y a beaucoup de tirs, nous ne savons pas depuis quel camp », a raconté une femme de 62 ans, Svitlana Klymenko. « Je veux juste partir, pour vieillir normalement, mourir normalement, ne pas être tuée par un missile. »
Je veux juste partir, pour vieillir normalement, mourir normalement, ne pas être tuée par un missile Svitlana Klymenko »