À Zaporijjia, Kiev brandit le spectre de Tchernobyl

L’état-major ukrainien a en outre signalé des attaques repoussées
Photo: Evgeniy Maloletka Associated Press L’état-major ukrainien a en outre signalé des attaques repoussées "dans la direction de Sloviansk" et contre Bakhmout, dans l’est du pays, tandis que "les Russes continuaient de bombarder" plusieurs autres régions, dont celles de Kharkiv et de Zaporijjia.

Moscou a accusé lundi les forces ukrainiennes de bombarder la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, qui est occupée par l’armée russe, tandis que Kiev brandit le spectre de la catastrophe de Tchernobyl.

Dans ce contexte, la Russie a suspendu les inspections américaines de ses bases de missiles, prévues par le traité de désarmement nucléaire New Start signé avec les États-Unis en 2010. Mais, malgré tout, un cargo chargé de 60 000 tonnes de céréales a pu quitter Pivdenny, l’un des trois ports ukrainiens de la mer Noire concernés par l’accord sur les exportations qu’ont signé le 22 juillet les belligérants.

Par ailleurs, Moscou a souligné lundi que le bombardement de la centrale de Zaporijjia « pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour une vaste zone, y compris pour le territoire européen ».

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a de son côté mis en garde contre une répétition de la catastrophe nucléaire survenue dans son pays en 1986. « Le monde ne doit pas oublier. […] La catastrophe de Tchernobyl, c’est l’explosion d’un réacteur, et la centrale de Zaporijjia est dotée de six réacteurs », a-t-il insisté dans la soirée.

Les deux belligérants s’accusent mutuellement depuis vendredi de bombarder cette centrale située dans le sud de l’Ukraine, prise début mars par les soldats russes, sans qu’aucune source indépendante ne puisse confirmer.

« Il devrait y avoir une mission de gardiens de la paix qui inclurait aussi des experts de l’AIEA », l’Agence internationale de l’énergie atomique, a jugé le patron de la compagnie ukrainienne Energoatom, Petro Kotine, à la suite des frappes de vendredi et samedi, dont la Russie et l’Ukraine s’imputent mutuellement la responsabilité.

« Des Ukrainiens contrôlent les installations des réacteurs » et « il n’y a aucune information sur le fait qu’elles aient été minées », a-t-il en revanche assuré, mais « les Russes ont miné la côte près de la centrale » et « il y a probablement des voitures chargées d’explosifs près du premier et du second réacteur ».

Le ministère russe de la Défense a affirmé que le dernier bombardement, ce week-end, avait endommagé une ligne à haute tension fournissant de l’électricité à deux régions ukrainiennes.

« Nous continuons à appeler la Russie à cesser toutes ses opérations militaires dans et autour des centrales nucléaires ukrainiennes et à en redonner le contrôle à l’Ukraine », a exhorté lundi la Maison-Blanche, selon laquelle « heureusement, nous n’avons aucune indication d’une augmentation anormale des niveaux de radioactivité ».

« Toute attaque contre des centrales nucléaires est une chose suicidaire », a pour sa part averti le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. « J’espère que ces attaques prendront fin. En même temps, j’espère que l’AIEA pourra accéder à la centrale. »

Traité de désarmement mis à mal

En pleine offensive russe en Ukraine, Moscou « a officiellement informé » lundi Washington que tous les sites militaires russes soumis à des inspections américaines dans le cadre du traité de désarmement New Start en seraient « temporairement exemptés ». Il s’agit notamment des bases de tir de missiles, ainsi que des bases aériennes et navales où se trouvent des engins nucléaires.

« La Fédération de Russie est obligée de recourir à cette mesure […] en raison des réalités existantes qui […] privent la Russie de son droit d’effectuer des inspections » aux États-Unis, a déclaré la diplomatie russe.

New Start, qui limite les arsenaux des deux principales puissances nucléaires de la planète à un maximum de 1550 ogives déployées chacune, est le dernier accord bilatéral du genre les liant.

Sur le terrain, l’armée ukrainienne a affirmé avoir de nouveau frappé dans la nuit de dimanche à lundi le pont stratégique d’Antonivski enjambant le Dniepr à Kherson, une ville du sud de l’Ukraine prise le 3 mars par l’armée russe.

L’état-major ukrainien a en outre signalé des attaques repoussées « dans la direction de Sloviansk » et contre Bakhmout, dans l’est du pays, tandis que « les Russes continuaient de bombarder » plusieurs autres régions, dont celles de Kharkiv et de Zaporijjia.

Dans cette dernière province en partie occupée, les autorités nommées par Moscou ont annoncé lundi officiellement entamer des préparatifs en vue de l’organisation d’un référendum sur son rattachement à la Russie. La veille, Volodymyr Zelensky avait mis en garde les Russes contre de tels « référendums », les prévenant que s’ils persistent dans cette voie, « ils se fermeront à eux-mêmes toute possibilité de négociations avec l’Ukraine et le monde libre ».

Par ailleurs, des missiles HIMARS ont frappé les forces russes à Melitopol, une autre cité qu’elles ont conquise dans le sud de l’Ukraine, selon son maire, Ivan Fedorov.

Au total, selon le Pentagone, « 70 000 à 80 000 soldats » russes ont été tués ou blessés depuis le début, le 24 février, de l’invasion de l’Ukraine.

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