L’Allemagne salue la décision d’Ottawa d’autoriser l’envoi de turbines russes

Le Canada a su voir clair dans le jeu de Vladimir Poutine en autorisant, le mois dernier, le transfert de turbines au géant russe Gazprom, dit l’Allemagne.
On sait comment les pressions politiques ont été fortes sur le gouvernement canadien au moment de décider de passer outre son embargo contre la Russie afin de permettre l’envoi, depuis le Canada, de pièces importantes au bon fonctionnement du gazoduc Nord Stream 1, a déclaré mercredi la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, lors d’une conférence de presse à Montréal. Elle a remercié le gouvernement Trudeau pour « son leadership, […] son support et sa solidarité envers l’Europe ».
L’invasion de l’Ukraine par la Russie n’a pas seulement lancé une « guerre militaire », mais aussi une « guerre hybride » qui s’en prend notamment à la sécurité énergétique et alimentaire de plusieurs pays, a-t-elle fait valoir avec son hôte et homologue canadienne, Mélanie Joly. « Notre meilleure arme est notre unité » face à l’agression et aux stratagèmes russes, a martelé la ministre allemande.
Pressions ukrainiennes
Le gouvernement ukrainien avait vertement condamné la décision d’Ottawa, y voyant « un dangereux précédent qui viole la solidarité internationale » et qui aura pour seule conséquence de « renforcer le sentiment d’impunité de la Russie ».
La décision a été « difficile à prendre » et « frustrante », a confirmé mercredi Mélanie Joly. Mais elle a permis de révéler le « bluff » de Vladimir Poutine en le privant d’un « prétexte » qu’il aurait autrement pu invoquer pour justifier la diminution de ses exportations de gaz vers l’Allemagne et le reste de l’Europe.
L’exemption accordée par Ottawa vise six turbines en réparation à une usine de la compagnie allemande Siemens à Montréal. Une première turbine a été livrée en Allemagne il y a deux semaines, mais n’a toujours pas été récupérée et réinstallée par Gazprom qui reproche à la firme allemande de ne pas lui avoir envoyé toute la documentation nécessaire.
« Cette situation tendue et absurde a été provoquée par les restrictions et les sanctions » occidentales, s’est défendu mercredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
En attendant, le gazoduc Nord Stream 1 ne fonctionne qu’à 20 % de ses capacités depuis la mi-juillet.
Couper le lien de dépendance
Représentante des Verts au sein du gouvernement de coalition du chancelier Olaf Scholz, Annalena Baerbock a reconnu volontiers que son pays avait commis une grave « erreur » en se plaçant dans une situation de forte dépendance au gaz russe. Une erreur qu’il faudra du temps pour corriger, a-t-elle fait valoir quelques minutes plus tard devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Déjà, la part du gaz russe dans les importations allemandes est passée de 55 % à 26 % et l’Allemagne s’est engagée dans des politiques d’économie d’énergie d’une ampleur inimaginable avant la crise. Berlin étudie aussi la possibilité de garder ouvertes ses trois dernières centrales nucléaires au-delà de leur fermeture définitive promise pour la fin de l’année.
Mais c’est compliqué, a expliqué la ministre, parce que le gaz qui manque sert au chauffage, que ces centrales nucléaires produisent de l’électricité et qu’on ne se chauffe pas à l’électricité en Allemagne. « Tous les scénarios sont envisagés, y compris les plus sévères, comme un hiver de deux mois à -10 degrés. Ça serait difficile. Très très difficile. »
Le Canada espère pouvoir aider et a déjà évoqué la possibilité d’exporter en Europe du gaz naturel et de l’hydrogène. Ottawa a déjà annoncé une augmentation progressive des exportations de pétrole et de gaz de 300 000 barils par jour au cours de 2022 afin de remplacer le pétrole et le gaz russes.
Mais beaucoup de discussions sont en cours entre les ministères fédéraux et avec les provinces, dont le Québec, a poursuivi Mélanie Joly. « Ça vaut la peine de regarder ce qu’on peut faire avec l’hydrogène », a-t-elle notamment souligné. Les importantes ressources hydroélectriques québécoises permettraient même de faire d’une pierre deux coups en produisant de l’hydrogène vert et en contribuant ainsi à la lutte contre les changements climatiques, a-t-elle fait valoir.
Appel au calme en Chine
Les deux ministres des Affaires étrangères ont profité de l’occasion pour porter le message de leurs homologues du G7 qui, dans une déclaration commune mercredi, ont dénoncé « l’escalade inutile » de la tension internationale dans la foulée de la visite éclair à Taïwan de la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, Nancy Pelosi. « Il est normal et coutumier pour les législateurs de nos pays de voyager à l’étranger », ont-ils fait valoir à la Chine, qui a menacé d’exprimer sa colère à l’égard de ce qu’elle estime être une province récalcitrante en procédant à des exercices de tir réel à sa frontière et à de la coercition économique.
« On n’a pas besoin d’un autre conflit », a soupiré Annalena Baerbock.