Quels territoires contrôlent les Russes en Ukraine?

Les principaux combats se déroulent dans l’est de l’Ukraine et le Donbass, bassin industriel et minier que Moscou a promis de conquérir entièrement.
Photo: Miguel Medina Agence France-Presse Les principaux combats se déroulent dans l’est de l’Ukraine et le Donbass, bassin industriel et minier que Moscou a promis de conquérir entièrement.

Après bientôt cinq mois de combats, la guerre pour le contrôle du territoire se poursuit en Ukraine. Le mois dernier, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, estimait que la Russie contrôlait désormais 20 % du territoire, alors qu’elle n’en contrôlait que 7 % avant l’invasion lancée fin février.

Au 141e jour du conflit, les troupes russes poursuivent l’offensive afin de réaliser des gains territoriaux. Bilan de l’état des lieux en cartes.

L’invasion du Donbass

Les principaux combats se déroulent dans l’est de l’Ukraine et le Donbass, bassin industriel et minier que Moscou a promis de conquérir entièrement. L’armée russe y a gagné beaucoup de terrain depuis l’invasion : le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a déclaré début juillet que les forces russes détenaient le contrôle de la région de Louhansk. La ville de Lysychansk, dernier grand bastion de la résistance ukrainienne dans cette région, étant tombée aux mains des Russes.

La Russie vise désormais la conquête totale de la région de Donetsk, où elle occupe environ la moitié du territoire, selon des responsables ukrainiens et des analystes militaires.

 

Contrôle militaire russe avant et après le début de l’invasion en Ukraine

Les zones contrôlées depuis 2014 par des séparatistes soutenus par Moscou sont délimitées par les lignes pointillées. La Russie a annexé la Crimée en 2014.
 

Source : Institute for the Study of War and AEI’s Critical Threats Project. Données du 13 juillet.

Que cherchera à faire le président russe si ses troupes réussissent à contrôler tout l’est du pays ? Il y a fort à parier qu’il voudra annexer le Donbass, selon Charles-Philippe David, fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques.

« Le fait qu’on ait instauré une représentation diplomatique du Donetsk à Moscou, en plus de la livraison de passeports russes à la population de l’est de l’Ukraine, ce sont des indications assez certaines. Donc, cela revient à amputer l’Ukraine d’environ 20 % [de son] territoire », résume-t-il.

Or, il est difficile de prédire si l’invasion s’arrêterait à cette potentielle annexion. « Est-ce que Poutine veut aller au-delà ? Est-ce qu’il a l’intention d’essayer de prendre Kiev à nouveau ? » Rien n’est impossible, rappelle le chercheur.

Changement de cible

 

Depuis plusieurs semaines, les frappes russes sur l’ouest et le centre de l’Ukraine, loin des lignes de front de l’est et du sud, sont relativement rares. Mais la guerre s’étend et fait désormais rage autour de villes comme Mykolaïv (sud), dont le port a été touché par une « frappe massive de missiles » tôt jeudi matin, pour un deuxième jour consécutif.

Malgré les frappes aériennes qui s’y produisent, l’ouest du pays demeure aux mains de l’Ukraine. « Avec la défaite colossale de la Russie dans sa tentative de faire chuter le gouvernement ukrainien et de prendre la capitale, je pense que [Vladimir Poutine] a compris que c’était un bien trop gros morceau à avaler et que la résistance ukrainienne qu’il avait énormément sous-estimée s’est tenue debout », explique Charles-Philippe David.

« [Le président russe] a perdu un nombre incalculable de généraux. Une force armée respectable et respectée ne perd pas une douzaine de ses généraux sur les champs de bataille. Il s’en tire pas trop mal dans l’est parce qu’il s’est reviré de bord », ajoute-t-il.

Les troupes russes progressent

 

Si les troupes russes n’ont pas réussi à faire de gains concrets dans l’ouest du pays, elles progressent lentement dans des endroits clés à l’est. Lundi, Kiev prévenait que l’armée russe s’apprêtait à lancer une nouvelle offensive sur des villes clés du Donbass, tandis que les attaques se multipliaient contre les autorités russes mises en place dans les zones occupées.

La cité de Kramatorsk, le centre administratif du Donbass encore sous contrôle ukrainien, et la ville voisine de Sloviansk sont considérées comme les prochaines cibles des militaires russes dans leur plan de conquête totale du Donbass, plus de quatre mois après le début de l’invasion de l’Ukraine.

Avancée des troupes russes

 

Le territoire sous contrôle militaire russe est en rouge et les zones où les troupes russes progressent sont en orange.
 

Source : Institute for the Study of War and AEI’s Critical Threats Project. Données du 13 juillet.

Pour le fondateur de la Chaire Raoul-Dandurand, le coup était à prévoir dès le début de l’invasion. « Je ne suis pas surpris que [le président russe] veuille prendre le Donbass et qu’il progresse. Il y a des avancées et des reculs là aussi. Cette volonté de prendre le Donbass sera probablement un peu plus réussie, et elle mènera sans doute à plus de succès que son objectif initial [de conquérir tout le territoire] », indique-t-il.

Le territoire ukrainien occupé par les forces militaires de la Russie représenterait l’équivalent de plus du tiers (35 %) de l’Allemagne ou de plus de la moitié (52 %) du Royaume-Uni, selon le journal britannique New Statesman.

Offensives ukrainiennes

 

Après avoir perdu le contrôle de nombreuses villes aux mains des Russes, les troupes ukrainiennes ont aussi su en reprendre depuis le début du conflit — et bataillent encore pour reprendre les territoires conquis.

Au moment même où les forces russes s’emparaient de Lysychansk, dernière ville de la région orientale de Louhansk, le président Zelensky jurait que l’Ukraine reprendrait la ville.

L’Ukraine a également lancé depuis plusieurs semaines une contre-offensive pour reprendre Kherson, unique capitale régionale capturée par Moscou depuis le 24 février.

« Pour les Ukrainiens, maintenant, [l’objectif] va être d’essayer de reconquérir des portions du territoire de l’est du pays qu’ils ont perdues. Si la Russie cherche à annexer le Donbass, rien n’interdit à l’Ukraine de procéder à une contre-offensive pour libérer le sud et se réapproprier l’accès à la mer Noire », dit M. David.

Contre-offensives ukrainiennes

 

Zones sous contrôle militaire russe (rouge), zones où les troupes russes progressent (orange) et zones de contre-offensives ukrainiennes (bleu).


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Source : Institute for the Study of War and AEI’s Critical Threats Project. Données du 13 juillet.

Somme toute, cette guerre est loin d’être terminée, selon M. David, qui rappelle que toute occupation ou annexion sera contestée par l’Ukraine. « Il peut y avoir une “victoire” de Poutine, mais on sait bien que ce ne sera pas une victoire claire, nette et sans appel. Il peut bien dire qu’il a gagné l’est de l’Ukraine, mais on sait bien que les Ukrainiens ne vont pas capituler, ils ne vont pas accepter cette victoire russe », conclut-il.

Il n’existe aucun bilan global des victimes civiles du conflit. Selon ses plus récentes données, l’ONU a recensé plus de 5000 morts confirmés, dont plus de 300 enfants, mais l’Organisation reconnaît que leur nombre véritable est sans doute largement supérieur.

 

Avec l’Agence France-Presse

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