Les anti-avortement jubilent à Washington

Des militantes du droit à l'avortement se disputent avec des militantes anti-avortement devant la Cour suprême des États-Unis à Washington, samedi.
Photo: Alex Wong Getty Images via Agence France-Presse Des militantes du droit à l'avortement se disputent avec des militantes anti-avortement devant la Cour suprême des États-Unis à Washington, samedi.

« Bienvenue dans l’Amérique Post-Roe v. Wade », a crié avec jubilation et intensité un jeune homme opposé à l’avortement, devant le bâtiment de la Cour suprême des États-Unis à Washington.

Samedi matin, il célébrait, avec un groupe de militants venus de partout au pays, l’invalidation de cette décision de la plus haute cour américaine qui avait, en 1973, protégé le droit des femmes à l’avortement — jusqu’à vendredi.

« Mais le travail ne fait que commencer », avertit toutefois Valentina Aaron, venue de l’Indiana pour célébrer la victoire judiciaire rendue 6 contre 3 vendredi.

Car le jugement ne fait que remettre entre les mains des États le pouvoir de régir l’avortement, qui demeure encore possible dans bon nombre d’entre eux, rappelle la jeune femme de 19 ans, qui a cité des versets de la Bible dans son allocution.

« Hier, nous avons eu une victoire. Mais nous nous battrons tant que cela ne sera pas illégal dans tous les États », a crié un homme ayant saisi le micro installé par ses collègues.

Il faut que les procureurs des États fassent respecter la loi et s’assurent que des avortements illégaux n’auront pas lieu, renchérit Mark Lee Dickson, venu du Texas pour l’occasion. Il faut aussi empêcher les « villes sanctuaires », qui protègent l’avortement, de se multiplier, a ajouté en entrevue le militant qui est le directeur du groupe Right to Life East Texas.

« Nous sommes la génération Post-Roe ! » ont clamé les manifestants avec enthousiasme, le sourire aux lèvres.

Mais moins nombreux que les pro-avortement samedi midi au lieu habituel de rassemblement des manifestants, sur la rue située entre la Cour suprême et le Capitole, ils ont été rapidement encerclés par ces derniers, qui ont tenté d’enterrer leurs discours par leurs propres chants « Mon corps mon choix ».

« Ce n’est pas votre corps, a hurlé une jeune femme anti-avortement. Parce que ce n’est pas vous qui allez recevoir par injection un liquide qui va faire en sorte que votre coeur va cesser de battre ! »

L’atmosphère s’est hautement réchauffée tant que les deux groupes étaient l’un face à l’autre, menant à de nombreuses altercations verbales, parfois fort agressives.

Des femmes plus âgées, un peu en retrait, regardaient avec horreur et incompréhension les plus jeunes s’affronter.

Ce n’est pas fini

L’avortement va continuer de diviser la nation alors que les deux camps promettent de poursuivre leur travail.

Ceux venus protester contre la décision rendue par la Cour suprême vendredi ont promis de ne pas baisser les bras.

 

« On va contre-attaquer » ont-ils scandé.

Bridget et Meredith, toutes deux dans la soixantaine, participaient à leur première manifestation à vie. « Pour vous dire à quel point c’est important », ont-elles expliqué. « Les gens doivent sortir de chez eux et aller voter », a insisté Meredith. Il faut élire des représentants qui vont protéger les droits des femmes et qui ne vont pas nous faire retourner en arrière, soutient Jennifer McAllister du Maryland.

Vendredi, le président américain Joe Biden a d’ailleurs dit qu’aux élections de mi-mandat de novembre, « Roe sera sur le bulletin de vote », signalant qu’il allait miser sur cet enjeu pour rallier les électeurs démocrates.

Le jugement de vendredi est final, et ne peut être renversé. Pour avoir un résultat différent, il faudrait que la Cour accepte d’entendre une autre contestation d’une loi restreignant l’avortement et rende un autre — et fort différent — jugement de principe. Ce qui ne va arriver que lorsqu’il y aura plus de démocrates que de républicains sur le banc, estiment les militants.

En attendant, le mot d’ordre était chez les pro-avortement était : mobilisation.

« Il faut se mobiliser et il faut se battre », a lancé Susan Prolman, âgée de 57 ans. Pour elle, le droit à l’avortement doit être inscrit noir sur blanc dans la Constitution, « sinon les droits de la personne continueront d’être bafoués. » Elle ne s’attend pas à un renversement rapide de la situation : « on va vivre 30 à 40 années dangereuses ».

Erin Lausch, elle, en a assez. La femme de 41 ans veut quitter les États-Unis avant qu’il ne soit trop tard. « Je ne veux plus vivre dans un endroit où les droits des gens sont leur sont retirés de la sorte. J’ai peur que la démocratie ne s’effondre ».

Selon Joe, un résident du Michigan de 30 ans, « la volonté des citoyens ne veut plus rien dire », a-t-il soupiré, soulignant que la majorité des Américains sont en faveur d’un droit à l’avortement.

Il met en garde ses voisins du Nord : « Ne pensez pas que cela ne peut pas arriver chez vous. Nous non plus on n’y croyait pas ici. Et voyez ce qui s’est passé ».

Ce reportage a été financé grâce au soutien du Fonds de journalisme international Transat-Le Devoir.

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