Après l’horreur à Boutcha, les Occidentaux veulent des enquêtes sur les «crimes de guerre»

Une fosse commune a été découverte dans la ville de Boutcha dans le nord-ouest de l’Ukraine, en périphérie de Kiev.
Photo: Sergei Supinsky Agence France-Presse Une fosse commune a été découverte dans la ville de Boutcha dans le nord-ouest de l’Ukraine, en périphérie de Kiev.

Les Occidentaux ont appelé lundi à enquêter sur les « crimes de guerre » imputés aux soldats russes dans la région de Kiev, démentis en bloc par Moscou, mais qualifiés de « génocide » par l’Ukraine.

Selon la procureure générale d’Ukraine, Iryna Venediktova, les dépouilles de 410 civils ont été retrouvées cette fin de semaine à Boutcha et dans d’autres territoires de la région de Kiev récemment repris aux troupes russes.

Si Moscou a démenti avoir tué des civils dans cette banlieue de la capitale, évoquant des « falsifications » et des mises en scène à destination de la presse, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, est venu constater lundi les « crimes de guerre » et le « génocide » qui y ont été commis.

« Vous êtes ici et vous pouvez voir ce qui s’est passé. Nous savons que des milliers de personnes ont été tuées et torturées, ont eu des membres déchirés, des femmes ont été violées et des enfants tués », a-t-il déclaré aux journalistes présents sur place.

En réaction à la découverte de ces massacres, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé avoir mis en place « une équipe d’enquête conjointe avec l’Ukraine pour recueillir des preuves et enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité ». L’Union européenne a également déclaré unir ses forces avec la Cour pénale internationale (CPI), qui enquête depuis le 2 mars sur des allégations de crimes de guerre en Ukraine.

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a elle aussi dénoncé lundi des « crimes de guerre » et des « crimes contre l’humanité ». Le président américain, Joe Biden, a quant à lui réclamé un « procès pour crimes de guerre ».

Les États-Unis et leurs alliés veulent par ailleurs annoncer « cette semaine » de nouvelles sanctions économiques contre la Russie, a annoncé lundi le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan. Ces nouvelles mesures porteraient notamment sur « l’énergie », a-t-il indiqué.

De son côté, la ministre Joly a mentionné dans un communiqué des sanctions « contre des entités et des personnes russes et biélorusses », ciblant de « proches collaborateurs » des deux régimes.

Moscou anticipe déjà un éventuel alourdissement des sanctions. « Tôt ou tard, nous devrons établir un dialogue, que quelqu’un outre-Atlantique le souhaite ou non », a cependant souligné le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

« Balle dans la nuque »

L’armée russe était parvenue à Boutcha et dans la ville voisine d’Irpin très rapidement après le début de l’invasion de l’Ukraine le 24 février. Dans les semaines qui ont suivi, les deux villes ont été le théâtre de féroces combats, qui les ont en partie dévastées et ont fait fuir la plupart des habitants.

Les Ukrainiens ont annoncé les avoir reprises ces derniers jours, après que les Russes ont indiqué desserrer l’étau sur Kiev et le nord pour concentrer leurs efforts militaires sur l’est du pays.

Samedi, l’Agence France-Presse avait constaté à Boutcha les cadavres d’au moins 22 personnes portant des vêtements civils dans des rues. Le maire de la ville, Anatoli Fedorouk, avait assuré qu’elles avaient été tuées d’« une balle dans la nuque », suggérant des exécutions sommaires massives de la part des soldats russes.

M. Fedorouk a par ailleurs affirmé que « 280 personnes » avaient été enterrées « dans des fosses communes », car elles ne pouvaient être inhumées dans les cimetières communaux, tous à portée des tirs russes pendant les combats.

« À en juger par ce que nous avons vu, on ne peut pas faire confiance à ces images vidéo », a rétorqué le porte-parole russe, qui dénonce des signes de « falsifications vidéo » effectuées par les autorités ukrainiennes.

Moscou, qui dément toute exaction de son fait, a annoncé lundi qu’elle allait enquêter sur cette « provocation haineuse », qui vise selon elle à « discréditer » les forces russes en Ukraine. Elle a aussi demandé une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU pour statuer sur ces exactions commises selon elle par « des radicaux ukrainiens » à Boutcha.

Une relocalisation des combats

 

L’armée russe semble se retirer des alentours de Kiev et du nord de l’Ukraine, et se concentrer sur le sud et l’est du pays. Dimanche, elle a notamment bombardé les villes d’Otchakiv et de Mykolaïv, où 10 civils ont été tués et au moins 46 blessés, a indiqué le maire de la ville.

En conférence de presse lundi, Jake Sullivan a estimé que cette nouvelle phase de la guerre « pourrait durer des mois ou plus ».

Selon des experts militaires occidentaux, la Russie cherche avant tout à contrôler un territoire continu allant de la Crimée aux deux républiques séparatistes prorusses du Donbass : Donetsk et Louhansk.

Une seule ville empêche ce projet : la cité portuaire de Marioupol (sud-est), que la Russie pilonne sans relâche depuis plus d’un mois, laissant la population livrée à elle-même, dans des conditions terribles.

Marioupol, qui avant la guerre comptait près d’un demi-million d’habitants, est détruite « à 90 % » et « 40 % de ses infrastructures » sont « irrécupérables », a annoncé lundi son maire, Vadim Boïtchenko.

Dans l’Est, la situation est « tendue » dans toute la partie du Donbass sous contrôle de l’Ukraine, où l’armée est prête à affronter les forces russes et que la population doit évacuer sans délai, selon les autorités locales.

Avec Le Devoir



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