Saddam nargue Bush
Dans une attitude de défi à l'égard de Washington, Saddam Hussein a mis en garde hier d'éventuels assaillants en affirmant qu'ils «creuseraient leur propre tombe» en Irak.
«Tous les empires et les porteurs du cercueil du mal ont été enterrés avec leurs rêves malades quand ils ont voulu nuire aux pays arabes ou musulmans», a lancé le président irakien dans une allocution télévisée de vingt minutes à l'occasion de l'anniversaire de la fin de la guerre Iran-Irak (1980-88). Saddam a aussi prôné un «dialogue équitable» avec les Nations unies, sans faire toutefois de proposition nouvelle en ce qui concerne les inspecteurs en désarmement de l'ONU.Parallèlement, dans une démonstration de force habituelle pour le gouvernement de Bagdad, plusieurs milliers de volontaires irakiens en uniforme militaire, armés de fusils d'assaut, ont défilé dans la capitale, promettant de défendre leur pays et Saddam «jusqu'à la mort».
Sur le plan militaire, l'Irak a affirmé avoir tiré hier des missiles sol-air sur des chasseurs américains et britanniques qui effectuaient des raids sur le nord et le sud du pays, les contraignant à «prendre la fuite».
«Des avions de combat ennemis ont été contraints à prendre la fuite vers leur base en Turquie sous les tirs des batteries de missiles et de la DCA alors qu'ils menaient des raids sur les régions de Zakho, Dohuk, Ein Zala, Ammadiya, Dokan, Erbil, Akra et Mossoul» (nord), a déclaré un porte-parole militaire à Bagdad.
Des incidents quasi quotidiens opposent l'Irak aux avions des deux pays qui survolent deux zones d'exclusion aérienne, imposées par Washington et Londres après la guerre du Golfe en 1991, dans le nord et le sud du pays.
L'Irak ne reconnaît pas ces zones, qui ne font l'objet d'aucune résolution de l'ONU, et affirme que 1484 Irakiens ont été tués et 1422 blessés dans les raids qui y ont été menés depuis 1991.
Dans son discours enregistré, Saddam a également demandé au Conseil de sécurité de l'ONU de lever les sanctions économiques imposées à l'Irak après l'invasion du Koweït en août 1990.
«Il faudrait que le Conseil de sécurité réponde aux questions posées par l'Irak et qu'il honore les obligations contenues dans ses propres résolutions», a-t-il dit.
Mercredi, le président américain, George W. Bush, avait assuré que, bien que l'Irak fasse selon lui planer de «réelles menaces» sur le monde, il consulterait le Congrès ainsi que ses alliés avant toute décision.
Bush et le vice-président Dick Cheney ont souligné qu'aucune décision n'avait encore été prise concernant une éventuelle intervention américaine contre Bagdad, accusé de former, avec l'Iran et la Corée du Nord, un «axe du mal» en quête d'armes de destruction massive.
Mais Cheney a expliqué qu'un éventuel retour des inspecteurs en Irak ne dissiperait pas les inquiétudes américaines liées au développement présumé, par l'administration irakienne, de ce type d'armement.
«Il existe de réelles menaces et il est de notre devoir envers nos enfants de traiter ces menaces. Je vous promets que je serai patient et modéré, que nous continuerons à consulter le Congrès, et bien sûr que nous consulterons nos amis et alliés», a assuré Bush.
«Il n'y a d'autre choix que de repousser ceux qui ont recours aux menaces et à l'agression, même s'ils devaient parvenir à nuire à leurs cibles», a répondu Saddam, en habit civil. «Je le dis en des termes très clairs afin qu'aucune mauviette n'imagine que, quand nous négligeons de réagir à des discours néfastes, cela signifie que nous sommes effrayés par les menaces impudentes [...], et afin qu'aucun tyran avide ne se lance à tort dans une action dont les conséquences échapperaient à ses calculs», a ajouté le raïs irakien, âgé de 65 ans.
Washington réagit avec mépris
La Maison-Blanche a réagi avec mépris au discours du président irakien en exigeant qu'il respecte les engagements qu'il avait donnés à l'ONU en matière de désarmement.
«Le gouvernement irakien doit respecter les engagements qu'il avait donnés à la fin de la guerre du Golfe», a déclaré le porte-parole adjoint de la Maison-Blanche Scott McClellan, à Crawford (Texas), où le président George W. Bush est en vacances dans son ranch.
En privé, un haut responsable américain, parlant sous le sceau de l'anonymat, a traité par le mépris les déclarations du président irakien. «Elles ne contiennent rien de nouveau. Nous avons déjà entendu ce genre de rhétorique», a-t-il dit.
Le département d'État, pour sa part, a qualifié ces propos de «fanfaronnades d'un dictateur isolé sur la scène internationale, qui montrent une fois encore que son régime n'a pas l'intention de se conformer à ses obligations au titre des résolutions des Nations unies».
Quant à Kofi Annan, le secrétaire général de l'ONU, il n'a vu dans cette allocution aucun signe d'optimisme, «pas pour le moment, sauf s'il y a des développements inattendus». «Je ne vois aucun changement dans l'attitude» du président irakien, a-t-il ajouté.
Les alliés occidentaux de Washington semblent hésiter à soutenir Bush dans sa volonté de renverser Saddam à tout prix, et a fortiori au moment où ce dernier semble disposé à composer en ce qui concerne les inspections onusiennes. Mais, surtout, les partenaires arabes des Américains ne veulent pas, contrairement à l'époque de la guerre du Golfe, entendre parler d'une offensive contre l'Irak.
Le prix de l'or noir
Sur le plan économique, le prix du pétrole pourrait grimper ou bien chuter en cas de frappe américaine contre l'Irak, en raison d'une interruption des approvisionnements ou, au contraire, d'un afflux de brut sur le marché, estiment les analystes aux États-Unis.
Une frappe contre l'Irak pourrait soit déstabiliser un ou plusieurs gouvernements des pays exportateurs de pétrole et donner lieu à une période prolongée de baisse des prix de pétrole, soit au contraire provoquer une interruption des approvisionnements, explique Philip Verleger, expert du Council on Foreign Relations.