Le gouvernement français tente l’apaisement en évoquant une autonomie de la Corse

Le gouvernement français s’est dit « prêt à aller jusqu’à l’autonomie » de la Corse pour tenter de calmer les tensions sur l’île méditerranéenne, tandis qu’un mouvement clandestin menaçait mercredi de reprendre les armes.
« Nous sommes prêts à aller jusqu’à l’autonomie. Voilà, le mot est dit », a annoncé le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dans un entretien au quotidien Corse Matin, juste avant d’arriver dans l’île méditerranéenne pour une visite de deux jours.
« Ce sont des mots importants, qui ouvrent une perspective, mais des mots auxquels il convient maintenant de donner des prolongements et des concrétisations », a déclaré auprès de l’AFP le président autonomiste du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni.
Quelques heures à peine après ces déclarations, le FLNC (Front de libération nationale de la Corse) — un des principaux mouvements indépendantistes clandestins — a quant à lui menacé de reprendre la lutte, dénonçant le « déni méprisant » de l’État et affirmant que, « chez nous, la révolte provoque l’insurrection ».
Le FLNC avait déposé les armes depuis 2014, mais revendiqué un attentat en septembre près de la ville côtière d’Ajaccio. « Si l’État français demeurait encore sourd […], il ne pourra y avoir de sacrifice de la jeunesse qui n’entraîne une réaction proportionnée de notre part », a mis en garde l’organisation dans un communiqué transmis à Corse Matin.
« Les discussions seront forcément longues, forcément difficiles », avait prévenu M. Darmanin mercredi matin, assurant néanmoins que « l’avenir [des Corses] est pleinement dans la République française ».
Dès son arrivée à Ajaccio mercredi après-midi, M. Darmanin devait s’entretenir avec les élus, dont Gilles Simeoni, à qui il avait promis lundi un « cycle sans précédent de discussions ».
Rappelant que l’autonomie est « le droit commun de toutes les grandes îles de Méditerranée », M. Simeoni a notamment évoqué « le statut très abouti d’autonomie des Açores », avec une reconnaissance de ce peuple dans la Constitution portugaise et des « compétences exclusives du gouvernement des Açores dans les domaines principaux de la vie quotidienne ».
« Une autonomie croupion »
Cette offre d’autonomie a été moins bien reçue du côté indépendantiste : « La seule autonomie qui vaille est celle qui octroie un pouvoir législatif » dans « des domaines vitaux » comme « la fiscalité, l’emploi, le domaine linguistique et également l’accès au logement », a déclaré à l’AFP Josepha Giacometti, unique élue indépendantiste à l’assemblée de Corse, du parti Corsica Libera. Sinon, ce serait « une autonomie croupion, une décentralisation améliorée ».
Mercredi matin, plusieurs bâtiments publics de l’île étaient occupés. « Ce sont des occupations pacifiques, qui montrent que la mobilisation reste forte et qu’elle continuera et s’amplifiera si la réponse politique attendue par tout le monde n’est pas apportée », a prévenu Gilles Simeoni.
Sur le centre des impôts d’Ajaccio, une banderole indiquant « État français assassin », en corse, montrait cependant la colère de certains. Mais dans son entretien à Corse Matin, M. Darmanin a été clair : « Le retour au calme est une condition sine qua non » du dialogue.
Cette colère en Corse depuis deux semaines a éclaté avec l’agression d’Yvan Colonna le 2 mars à la prison d’Arles, dans le sud de la France, où il purge une peine de prison à perpétuité pour sa participation à l’assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998 à Ajaccio. Elle a culminé en quasi-émeute dimanche à Bastia, avec 102 blessés, dont 77 parmi les forces de l’ordre.
L’agression d’Yvan Colonna, toujours dans le coma, a été le détonateur des tensions entre l’État et les nationalistes, frustrés que leurs victoires dans les urnes (élections territoriales de 2015, de 2017 puis de 2021) n’aient pas fait aboutir leurs revendications pendant le quinquennat.
À moins d’un mois du premier tour de l’élection présidentielle française, la réouverture du dossier corse et la perspective d’une éventuelle autonomie suscitent de vives réactions.
La candidate de droite à l’élection, Valérie Pécresse, a notamment accusé le président Emmanuel Macron de « céder à la violence », alors que du côté de l’extrême droite, Marine Le Pen a dénoncé un message « catastrophique » et martelé que « la Corse doit rester française ».