Après l'attentat sanglant de mercredi - La guerre est ouverte entre les FARC et Uribe

Bogotá — Les rebelles des FARC ont déclaré une guerre ouverte à Alvaro Uribe, décidé à en découdre avec eux, dès la première minute du mandat du président de Colombie avec une vague d'attentats qui ont fait 19 morts près du palais présidentiel, mercredi à Bogotá.

La puissance des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, marxistes), principale guérilla avec 17 000 hommes, a été illustrée par cette offensive sanglante déclenchée au moment même où se déroulait la passation de pouvoirs entre le conservateur Andrés Pastrana et Alvaro Uribe (droite).

Le chef d'État n'avait pas encore commencé son discours d'investiture devant ses 600 invités dans l'hémicycle du Congrès, contigu à la présidence, quand une série de déflagrations ont déchiré l'air de Bogotá. Trois roquettes lancées à distance ont d'abord explosé autour du palais. L'une d'entre elles a frappé la corniche arrière de l'édifice, avant d'éclater sur un parking, où quatre policiers ont été blessés. Quelques minutes plus tard, une bonbonne de gaz piégée, arme préférée des FARC, frappait le Cartucho, un quartier de déshérités, à 400 mètres du palais présidentiel de Narino. Dix-sept civils ont trouvé la mort et vingt-six autres ont été blessés dans cet attentat, selon le dernier bilan de la police hier.

«J'ai vu des gens en lambeaux et j'ai pris la fuite», a raconté à l'AFP Carlos Torres, 64 ans, l'un de ces indigents. «Nous n'avons rien fait, c'est injuste!», s'est-il exclamé devant les débris de son barraquement.

«Quel problème!», s'est lamenté le chef de l'État, informé de la tragédie attribuée par la police aux FARC, après avoir prêté serment.

Trois heures avant la cérémonie, trois bombes, propulsées par des lance-grenades, avaient explosé à 8 km du palais, blessant trois femmes.

La guerre civile en Colombie a déjà fait plus de 200 000 morts depuis 1964, avec une moyenne de 3000 enlèvements par an.

Malgré cette flambée de violence, le nouveau président a tendu une main aux guérilleros, avec un projet de référendum proposant la présence de guérilleros au Congrès dans le cadre d'un processus de paix. Alvaro Uribe a également renouvelé son offre d'une négociation sous les auspices de l'ONU.

Les FARC n'avaient toujours pas réagi hier à ces propositions, mais leur accord paraît compromis par l'exigence préalable d'un cessez-le-feu avancée par le nouveau président.Colombie: l'ONU va poursuivre son rôle de bons offices (porte-parole)

Enfin, Uribe et le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, se sont mis d'accord hier par téléphone pour que l'ONU «poursuive son rôle de bons offices» dans le conflit qui déchire la Colombie.

annoncé le porte-parole de M. Annan.

Fred Eckhard a indiqué que "les Nations Unies suivaient depuis quelques temps les développements de la situation en Colombie et que le secrétaire général avait joué un rôle de bons offices avec le gouvernement précédent".

"Le nouveau président élu Alvaro Uribe a appelé au téléphone aujourd'hui (jeudi) le secrétaire général et il a été décidé que le secrétaire général poursuivrait son rôle de bons offices", a ajouté le porte-parole du secrétaire général.

Peu avant, à Bogota, le service de presse du président colombien avait annoncé dans un communiqué que le secrétaire général des Nations Unies venait d'informer M. Uribe qu'il acceptait que son organisation joue le rôle de médiateur dans le conflit.

James LeMoyne, conseiller spécial pour la Colombie de M. Annan, se trouve actuellement en congés en Europe et n'a pu être immédiatement joint.

M. LeMoyne, de nationalité américaine, avait été nommé conseiller spécial pour la Colombie en novembre dernier.

C'est à ce titre qu'il avait participé aux côtés des représentants du groupe des "dix pays amis" aux négociations de paix avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), interrompues le 20 février dernier.

Quatre pays de l'Union européenne -Espagne, France, Italie et Suède- sont membres de ce groupe des dix, les six autres étant le Canada, Cuba, le Mexique, la Norvège, la Suisse et le Venezuela.

Le président Uribe, à la fin du mois de mai dernier, alors qu'il n'était encore que candidat à la présidence, avait annoncé qu'il ferait appel à une médiation de l'ONU pour trouver une issue au conflit colombien.

Kofi Annan, dans une déclaration jeudi en début d'après-midi, avait "fermement condamné" les attentats, qui ont fait 19 morts, commis la veille à Bogota lors de l'investiture présidentielle d'Alvaro Uribe.

Dans cette déclaration transmise par son porte-parole, le secrétaire général avait "condamné catégoriquement toute attaque contre des civils" et renouvelé "l'appel qu'il a lancé de longue date à tous les éléments armés de Colombie de respecter la population civile".

"La violence qui, malheureusement, est devenue partie intégrante de la vie quotidienne en Colombie manifeste un mépris total pour la vie humaine", ajoutait encore M. Annan, exprimant l'espoir que "la Colombie va chercher des solutions politiques afin de résoudre le conflit qui dure depuis des décennies".

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