Six enjeux internationaux à surveiller en 2022

L’Afghanistan sous les talibans

Le 15 août dernier, Kaboul est tombée entre les mains des talibans, qui ont fait une avancée fulgurante en Afghanistan à la suite du retrait des troupes américaines et de l’OTAN.
Depuis, le régime islamiste est accusé de violences et d’exécutions sommaires par des ONG comme Amnesty International. Les libertés des femmes ont également été réduites malgré les déclarations initiales des talibans, qui avaient promis que leur régime serait moins strict que durant leur premier règne, entre 1996 et 2001. Le pays sombre de plus dans la misère. Les talibans font face à plusieurs défis pour 2022, souligne Sami Aoun, professeur à l’Université de Sherbrooke et directeur de l’Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (OMAN).
« Il y a eu des acquis ces 20 dernières années, qui sont de plus en plus dilapidés. Les droits des femmes, la liberté de la presse, le réseau scolaire pour les filles. Il y a un retour à un régime très rigoriste », dit-il.
Un autre défi pour les talibans sera de contrôler les militants du groupe armé État islamique au Khorassan, une branche régionale de Daech qui multiplie les attaques.
Le monde après Angela Merkel

Chancelière d’Allemagne depuis 2005, Angela Merkel, figure mythique de la scène internationale, a tiré sa révérence à 67 ans, après 16 ans de services.
« Elle avait cette façon très mesurée, très pondérée d’aborder les choses, ce qui lui a parfois été reproché », souligne Frédéric Mérand, directeur scientifique du Centre d’études et de recherches internationales (CÉRIUM). Son successeur, Olaf Scholz, aura de gros souliers à chausser, mais il a ce côté « homme d’État » qui plaît aux Allemands, c’est-à-dire la stature d’un politicien capable de tenir tête à la Russie ou aux États-Unis.
Angela Merkel laissera également un héritage au sein de la société allemande. « Le nouveau gouvernement d’Olaf Scholz s’inscrit dans la continuité », mentionne Frédéric Mérand, surtout dans le style, c’est-à-dire la recherche de consensus, le respect des adversaires et la volonté de faire avancer les choses sans brusquer. Le nouveau chancelier, néanmoins, est perçu comme plus à gauche et écologiste. « Les plus gros changements devraient se produire sur les questions environnementales », pense
le politologue.
Escalade à Taiwan

Taiwan est au cœur d’un conflit entre la Chine et les États-Unis, qui sont dans une escalade qui reste pour l’instant verbale. Les tensions militaires entre la Chine et l’État insulaire démocratique sont quant à elles à leur plus haut depuis quatre décennies, a de son côté prévenu le ministère taiwanais de la Défense en octobre.
L’aviation militaire chinoise a effectué un nombre record d’incursions dans la zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) de Taiwan ces derniers mois. Dans son discours du Nouvel An, le président chinois, Xi Jinping, a déclaré que « la réunification complète de notre patrie est une aspiration partagée par les peuples » de Chine et de Taiwan. Pékin s’active depuis quelques années à isoler le pays sur la scène internationale, et le Nicaragua a récemment coupé ses relations diplomatiques avec le pays, ce qui a réduit à 14 le nombre de pays qui reconnaissent sa souveraineté.
Les États-Unis ont clairement indiqué cet automne que le pays compte défendre militairement Taiwan si la situation le demande. Un affrontement militaire est pour l’instant peu probable, selon des experts. « Xi Jinping a mis un peu d’eau dans son vin et a dit qu’il serait patient. Il comprend bien que les Américains sont là et qu’ils augmentent leur engagement », mentionne Jean-Pierre Cabestan, professeur en sciences politiques à l’Université baptiste de Hong Kong.
L’avortement en péril aux États-Unis

Le droit à l’avortement aux États-Unis, balisé par deux arrêts, dont le bien connu « Roe v. Wade », est dans la ligne de mire de la Cour suprême. Celle-ci doit trancher d’ici juin prochain sur une cause opposant le Mississippi, qui a adopté une loi en 2018 interdisant la plupart des avortements après 15 semaines de grossesse, à la seule clinique d’avortement de cet État du Sud conservateur.
« C’est une décision attendue, et qui pourrait être très lourde de conséquences pour les droits reproductifs », mentionne Andréanne Bissonnette, chercheuse en résidence à l’Observatoire de géopolitique et à l’Observatoire sur les États-Unis.
Actuellement, les États ne peuvent pas interdire l’avortement tant que le fœtus n’est pas viable, soit vers 22 à 24 semaines de grossesse. Les juges pourraient ainsi décider de réduire cette durée. Mais le Mississippi demande à la Cour d’aller plus loin et de laisser le droit aux États de légiférer comme ils l’entendent sur le sujet. Advenant que ce scénario se concrétise, cela pourrait entraîner une restriction ou l’interdiction du droit à l’avortement dans la moitié des États.
Une audience de décembre dernier a envoyé un signal en ce sens. Aujourd’hui dominée par les conservateurs (six juges contre trois), la Cour a semblé pencher en faveur d’une révision de ce droit.
La vaccination dans le monde

Alors que débute 2022, plusieurs pays accélèrent l’administration d’une troisième dose de vaccin contre la COVID-19 pour faire face au variant Omicron, mais des voix s’élèvent contre l’iniquité vaccinale qui persiste entre les pays.
Selon la publication scientifique en ligne Our World in Data, 58,6 % de la population mondiale avait reçu au moins une dose de vaccin début janvier, mais c’était le cas pour seulement 8,5 % de ceux qui vivent dans un pays à faible revenu.
Le continent africain accuse particulièrement un retard, mais l’arrivée de doses s’est accélérée au cours des dernières semaines : le nombre est passé de 2,5 millions à 20 millions par semaine en moyenne, mais cela ne permettra pas de combler le retard accumulé. Si des pays comme le Maroc, la Tunisie, le Rwanda, l’Afrique du Sud et l’Égypte font bonne figure, d’autres comme la République démocratique du Congo (RDC) et le Nigeria ont vacciné une infime partie de leur population.
Les questions de production, de logistique pour administrer les doses, d’hésitation vaccinale et de désinformation sont en cause, selon des experts.
L’organisme The Economist Intelligence Unit a publié une étude qui indique que la majorité des pays en développement n’auront pas réussi à vacciner de 60 à 70 % de leur population avant 2023, au mieux.
La frontière ukrainienne
Les yeux sont rivés sur l’Ukraine depuis plusieurs semaines, où la Russie a massé des dizaines de milliers de soldats le long de la frontière, faisant ainsi craindre une invasion à Kiev et ses alliés occidentaux.
Un scénario qui est toutefois « difficile à imaginer », pense Dominique Arel, titulaire de la Chaire en études ukrainiennes de l’Université d’Ottawa. « Il faut le prendre au sérieux, dit-il. Mais ce que la Russie cherche à nous faire croire, c’est qu’il y aura la guerre, et un des objectifs est de faire craquer les Ukrainiens et leurs alliés. Pour s’asseoir et trouver des compromis. »
Le Donbass, région à l’est de l’Ukraine, est au centre d’un conflit depuis 2014 entre les séparatistes prorusses et l’Ukraine, après l’annexion de la péninsule de Crimée par Moscou.
Mais, depuis sept ans, l’Ukraine a développé une meilleure force de frappe. « L’armée russe est de quatre à six fois plus puissante que l’armée ukrainienne, mais il y aurait des pertes considérables du côté russe advenant une invasion. Parce qu’il y a une véritable armée du côté ukrainien », mentionne Dominique Arel.
Des pourparlers sur l’Ukraine auront lieu les 9 et 10 janvier à Genève, entre les États-Unis et la Russie.