L’Afghanistan et le Myanmar privés de parole à l’ONU

Au dernier jour de l’Assemblée générale de l’ONU, lundi, l’Afghanistan et le Myanmar ont été privés de parole à la suite de tractations internationales visant à empêcher une cacophonie. Dans le premier comme dans le deuxième cas, des responsables s’opposaient et disaient chacun avoir la légitimité de prononcer le discours annuel de leur État.
Sur les 193 membres de l’ONU, seuls ces deux pays échapperont ainsi à la règle donnant un droit d’expression à tous. Une curiosité parmi d’autres du marathon diplomatique qui aura vu à New York une centaine de dirigeants et des dizaines de ministres braver en personne la pandémie de COVID-19.
Au programme initialement diffusé par l’ONU figurait l’ambassadeur afghan Ghulam Isaczai, membre du cabinet du président déchu Ashraf Ghani, bien qu’il ait été révoqué par les talibans. Mais lundi matin, l’Afghanistan n’y était plus inscrit. « Le pays a retiré sa participation au débat général », a annoncé la porte-parole de l’Assemblée générale, Monica Grayley, en précisant qu’« aucune raison n’avait été donnée » sur cette décision prise in extremis.
Interrogés par l’AFP, qui cherchait à savoir si ce retrait était lié à une entente — entre Washington, Pékin et Moscou — semblable à celle survenue récemment pour le Myanmar, plusieurs diplomates ont laissé entendre que tel avait été le cas. « J’imagine » qu’il y a eu un accord entre ces puissances, indique sous le couvert de l’anonymat une ambassadrice membre du Conseil de sécurité. « Il s’agit d’une décision sage », ajoute un autre diplomate. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a quant à lui évoqué ce week-end une coopération active et concertée de la Russie, de la Chine, du Pakistan et des États-Unis à l’égard des talibans.
Au pouvoir depuis août, les talibans, en quête de reconnaissance internationale, n’avaient demandé que la semaine dernière à l’ONU que leur nouveau ministre des Affaires étrangères, Amir Khan Muttaqi, puisse intervenir à l’ONU. Cette requête est arrivée « trop tard » pour être prise en compte, a indiqué à l’AFP un responsable de l’ONU.
Absence énigmatique
Pour le Myanmar, la junte, au pouvoir depuis le coup d’État du 1er février, et l’ambassadeur rebelle Kyaw Moe Tun, choisi par l’ex-dirigeante Aung San Suu Kyi et toujours accrédité auprès de l’ONU, réclamaient tous deux de parler au nom du pays. « Un accord est survenu entre les États-Unis, la Russie et la Chine » pour que ce dernier ne s’exprime pas, avait récemment expliqué sous le couvert de l’anonymat un ambassadeur de l’une de ces trois puissances.
« Profil bas », avait confirmé à l’AFP Kyaw Moe Tun, qui est soutenu par la majorité de la communauté internationale et qui a récemment été visé par un complot présumé visant à le faire démissionner, quitte à le tuer s’il refusait. En mai, la junte a nommé un ex-militaire pour le remplacer, mais cette désignation n’a toujours pas été entérinée par l’ONU.
La nomination de nouveaux représentants pour l’Afghanistan comme pour le Myanmar passe par une commission onusienne formée notamment des États-Unis, de la Russie et de la Chine. Le consensus est la règle, mais pour ces deux pays, « il n’y en a pas, donc il y aura un vote » de l’Assemblée générale dans les mois qui viennent, prédit un responsable de l’ONU.
À l’opposé de ces deux cas, la Guinée, où un coup d’État militaire a récemment renversé le pouvoir du président Alpha Condé, devait parler à l’ONU lundi soir. Nommé par le chef d’État déchu, l’ambassadeur guinéen Aly Diane figurait parmi les orateurs.