Boris Johnson perd son pari des élections législatives anticipées

Un Londonien pro-Brexit a manifesté son appui à Boris Johnson, lundi, devant le Parlement britannique.
Photo: Isabel Infantes Agence France-Presse Un Londonien pro-Brexit a manifesté son appui à Boris Johnson, lundi, devant le Parlement britannique.

L’impasse dans laquelle est entré le Royaume-Uni avec le Brexit n’aura jamais été aussi évidente, et ce, au lendemain d’un troisième report de la date du divorce consenti par l’Union européenne (UE) lundi et fixée désormais au plus tard au 31 janvier prochain.

Un coup de sonde lancé lundi par l’institut de sondage YouGov dans un bassin de 2433 électeurs met en lumière d’importantes divisions chez les Britanniques, qui estiment dans une proportion de 23 % que le Brexit va se faire avant ou à la date nouvellement convenue par les parties. Quelque 23 % pensent de leur côté que ce Brexit se matérialisera après le 31 janvier prochain, appelant ainsi indirectement à un autre report de cette difficile séparation, alors que 22 % prétendent que ce Brexit ne va pas se faire du tout.

Dans cette équation aux forces contradictoires égales et favorisant un impossible mouvement, un tiers des personnes sondées (32 %) expriment par ailleurs leur incertitude au sujet de l’avenir en disant ne pas trop savoir comment la suite du Brexit va se dérouler. Et pas question de trouver dans la tenue de nouvelles élections une porte de sortie : Boris Johnson n’a pas réussi lundi à forcer la tenue d’un scrutin législatif souhaité le 12 décembre prochain par le gouvernement.

Les députés n’ont été que 299 à appuyer sa proposition, soit un déficit de 135 voix sur la majorité des deux tiers de la Chambre dont le premier ministre avait besoin pour renvoyer ultimement le Brexit devant les électeurs.

« Nous devons organiser des élections maintenant, nous ne pouvons plus continuer avec des reports sans fin », a martelé Boris Johnson devant les députés. « Ce Parlement est en fin de course et je ne crois pas que cette assemblée soit capable d’obtenir des résultats sur les priorités de la population, que ce soit le Brexit ou le reste. [Ce Parlement] ne veut pas contrôler le Brexit, débattre du Brexit, il ne veut que retarder le Brexit et annuler le Brexit », a-t-il poursuivi.

M. Johnson a indiqué qu’une élection anticipée restait toujours possible et qu’il allait présenter un projet de loi, cette fois, allant dans ce sens dans les prochains jours. Cette procédure lui permettrait d’atteindre son objectif, avec une majorité simple.

« Une élection anticipée n’est pas encore hors de propos, résume à l’autre bout du fil Laurie Beaudonnet, professeure au Département de science politique de l’Université de Montréal. Mais il reste que les divisions au sein des députés sur la suite des choses ne se sont pas clarifiées. »

Troisième report

 

À trois jours de la sortie prévue du Royaume-Uni de l’Union européenne, les 27 pays membres de l’organisation internationale ont accordé une prolongation des procédures de divorce jusqu’au 31 janvier, un délai réclamé par l’opposition britannique afin de prendre le temps d’étudier le nouvel accord de séparation négocié par Boris Johnson. « Une sortie dans l’ordre est toujours possible, même si le calendrier est serré », estime Mme Beaudonnet.

Il s’agit du troisième report du Brexit, plus de trois ans après la décision historique des Britanniques, qui, par voie référendaire, ont choisi à 52 % de quitter l’Union européenne. Le Royaume-Uni devait initialement le faire le 29 mars, date reportée au 12 avril, puis au 31 octobre.

Après la démission de Theresa May au printemps, Boris Johnson, en lui succédant, avait assuré que le Brexit aurait lieu « coûte que coûte » le 31 octobre et qu’il préférait être « mort au fond d’un fossé » plutôt que demander un nouveau report.

La France, pays le plus réticent à un report long, a donné son accord à cette nouvelle prolongation sous certaines conditions. La décision s’accompagne d’une déclaration politique dans laquelle l’UE exclut toute renégociation de l’accord conclu avec le premier ministre britannique, Boris Johnson, et demande à Londres de proposer un candidat britannique pour siéger au sein de la Commission européenne, en attendant la consommation du divorce.

Le négociateur en chef de l’UE pour le Brexit, Michel Barnier, s’est dit lundi « très content qu’une décision ait été prise », à l’issue de la réunion des ambassadeurs de l’institution. Le président du Parlement européen, David Sassoli, a estimé que cette prolongation « donnait du temps au Royaume-Uni pour clarifier ce qu’il veut ».

Le déclenchement de nouvelles élections au Royaume-Uni n’annoncerait pas forcément le début d’une sortie de crise. Selon les plus récents sondages, détaillées par la BBC lundi, les conservateurs de Boris Johnson font certes figure de favoris dans une course à venir, mais avec entre 32 % et 40 % d’intentions de vote, ils pourraient ne pas avoir assez pour aller chercher une majorité à Westminster.

Par ailleurs, la tenue d’un nouveau référendum sur le Brexit ou sur l’accord négocié par le premier ministre, une solution préconisée par plusieurs partis d’opposition, n’ouvrirait pas forcément la voie à une résolution de l’inextricable problème du Brexit. « Les résultats seraient sans doute différents, dit Laurie Beaudonnet, en raison entre autres du vote des jeunes, qui n’avaient pas le droit de vote en 2016, et qui affichent une appartenance plus grande à l’UE. Mais dans l’ensemble, le revirement de l’opinion n’est pas si clair et reste sur une majorité simple d’un côté comme de l’autre. »

Trois ans plus tard, l’électorat reste donc sur la ligne de démarcation entre le Remain (Rester)et le Leave (Partir), plaçant les députés de la Chambre dans cette ambivalence qui, une fois encore lundi, a teinté leurs divisions et leurs travaux.

Avec l'Agence France-Presse

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