Brésil - La violence dans les favelas échappe à tout contrôle

Rio de Janeiro - Construire des murs autour de favelas ou faire intervenir l'armée, Rio de Janeiro s'interroge sur les moyens de contenir l'engrenage de la violence, après quatre jours d'affrontements meurtriers entre bandes rivales de trafiquants.

Pendant le week-end de Pâques, un nouvel épisode dans la guerre des gangs de la drogue s'est soldé par dix morts, dont deux policiers et quatre trafiquants. Hier, 1230 policiers occupaient encore la Rocinha, la plus grande favela de Rio surplombant les zones résidentielles du sud de la ville. Dix mille élèves des écoles avoisinantes se retrouvent en vacances prolongées.

Le vice-gouverneur de l'État de Rio et secrétaire à l'Environnement, Luiz Paulo Conde, a proposé lundi la construction d'un mur en béton de trois mètres de haut pour entourer la Rocinha.

«Le mur ne va pas résoudre le problème de la violence mais nous devons établir des limites. Les favelas ne peuvent pas continuer à s'étendre dans les zones vertes de la ville. Il [le mur] empêcherait aussi les bandits de s'enfuir dans la forêt proche», a déclaré M. Conde. Cette proposition a immédiatement provoqué une vive polémique. «Ce mur créerait une sorte de parc de la cocaïne, le Cocaine World», a rétorqué ironiquement le maire de la ville, César Maia.

Devant le tollé, M. Conde s'est «repenti» de ses propos et a proposé des solutions de rechange: entourer la favela par des haies ou... par des pistes cyclables.

Hier, le gouverneur de l'État, Mme Rosinha Matheus, a déclaré qu'elle demanderait la collaboration de l'armée. Le ministre de la Justice, Marcio Thomaz Bastos, a indiqué que le gouvernement fédéral était disposé à l'envoi temporaire de troupes: «Il suffit que Mme le gouverneur de Rio le demande».

Mme Rosinha Matheus s'est plainte de n'avoir reçu que la moitié de l'argent (5,5 millions d'euros) promis l'an dernier par le président Luiz Inacio Lula da Silva pour son projet de politique de sécurité. Elle a critiqué aussi le maire de Rio, accusé de laisser se développer les favelas et demandé au gouvernement de mieux contrôler le trafic d'armes et de stupéfiants aux frontières du Brésil. Toutefois, le gouvernement du président Lula est contre la présence permanente de l'armée pour assurer la sécurité dans les villes. Il estime que la corruption finira par gangrener les soldats, tout comme elle gangrène déjà la police de Rio. L'ancien secrétaire à la sécurité de Rio, Luiz Eduardo Soares, affirme que 20 000 policiers au moins sont corrompus et que le seul moyen de réduire la violence passe par un «profond nettoyage» de la police.

Les spécialistes de la sécurité estiment eux aussi que l'armée ne doit pas être en contact direct avec la population. Ils recommandent que l'armée agisse aux frontières pour empêcher l'entrée de la drogue et des armes et qu'elle détruise les pistes d'atterrissage clandestines.

Industriels, juristes, intellectuels et hommes politiques qui se sont exprimés à longueur de colonnes hier dans la presse, sont d'accord sur le diagnostic: la consommation de drogue et l'absence de perspective d'avenir pour les jeunes sont à l'origine du problème.

À voir en vidéo