L'ANC devrait l'emporter haut la main en Afrique du Sud
Johannesburg — Dix ans après les premières élections multiraciales en Afrique du Sud, qui ont mis fin à l'apartheid, le Congrès national africain (ANC) vit toujours son état de grâce. Selon les derniers sondages, le parti dirigé par l'actuel président Thabo Mbeki, qui a succédé à Nelson Mandela en 1999, pourrait rafler 70 % des voix lors des élections législatives et provinciales tenues hier. Soit un score supérieur à ceux qu'il avait engrangés en 1994 et en 1999 (respectivement 62,7 % et 66,4 %).
Face à la toute-puissance de l'ANC, l'Alliance démocratique (droite libérale, à dominante blanche) et l'Inkhata de Mangosuthu Buthelezi (à dominante zouloue) font pâle figure. Quant au Nouveau Parti national, héritier de l'ancien mouvement dirigeant de l'apartheid, il est tout simplement menacé de disparition...Intronisé en 1999, Thabo Mbeki sera désigné par les parlementaires, le 23 avril, pour un second et dernier mandat à la tête de la «Nation arc-en-ciel». Si les sondages disent vrai, il disposera d'une majorité des deux tiers de l'Assemblée. Une hégémonie qui lui permettrait de modifier la Constitution pour postuler à un troisième mandat consécutif. Durant la campagne, au cours de laquelle cet homme énigmatique est allé écouter aux quatre coins du pays les doléances d'une population aux prises avec de graves difficultés, Thabo Mbeki a néanmoins promis qu'il n'en ferait rien.
En accédant au pouvoir, au printemps 1994, l'ANC avait promis d'améliorer radicalement les conditions de vie de ces millions de Noirs qui avaient été victimes du racisme institutionnalisé par le pouvoir blanc durant quatre décennies. Dix ans plus tard, le travail accompli est impressionnant: des millions de logements ont été construits, neuf millions de foyers supplémentaires disposent de l'eau courante, la liberté de mouvement semble avoir toujours existé.
Mais, malgré un taux de croissance annuel de 2,7 %, près de 40 % de la population active est au chômage, et l'économie de ce poids lourd de l'Afrique (30 % du PIB du continent) est directement menacée par la pandémie du sida. L'Afrique du Sud connaît en effet l'un des taux de prévalence les plus élevés de la planète: plus de 5 millions de personnes sur 44 millions sont séropositives. Après avoir longtemps renâclé à admettre le lien entre le VIH et le sida, le gouvernement vient d'entamer la distribution de traitements antirétroviraux, sous la pression de la société civile.
Enfin, le pays est victime d'une violence endémique qui oblige chaque citoyen à demeurer vigilant en permanence, y compris lorsqu'il s'est retranché chez lui, derrière ses clôtures électriques et ses portes fermées à double tour. Il y a quelques jours, toute la presse a relaté l'assassinat, en plein centre de Johannesburg, du célèbre chanteur et guitariste Gito Baloi: une balle dans la nuque pour son portefeuille.
Malgré tout, la majorité des Sud-Africains semble avoir foi en l'avenir. Au cours de la décennie passée, de nombreux Blancs ont quitté le pays, craignant le «revanchisme» des Noirs. Ces derniers mois, certains ont commencé à rentrer.