Le 11 septembre 2001 - La faute au FBI ?

Condoleezza Rice jeudi devant la commission qui se penche sur les événements du 11 septembre 2001.
Photo: Agence Reuters Condoleezza Rice jeudi devant la commission qui se penche sur les événements du 11 septembre 2001.

En substance, le témoignage de Condoleezza Rice se résume ainsi: le président a eu un comportement admirable; le FBI a failli.

Devant les membres de la commission d'enquête sur les attentats du 11 septembre 2001, la patronne du Conseil national de sécurité, Condoleezza Rice, s'est portée à la défense du président Bush pour mieux charger le FBI. Si elle s'est attachée à ce que ce dernier soit désormais l'objet des critiques, elle n'est pas parvenue pour autant à éliminer le questionnement sur la capacité du président à hiérarchiser les priorités en la matière.

Avant toute chose, peut-être faut-il souligner que la comparution sous serment de Rice, fait unique dans l'histoire des États-Unis depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, est la conséquence directe des propos formulés par Richard Clarke, ex-patron de la lutte antiterroriste, devant cette commission. Selon son témoignage, l'exécutif américain traitait les menaces d'al-Qaïda avec moins d'empressement que d'autres dossiers ayant trait à la sécurité du pays, par exemple l'élaboration d'un bouclier antimissiles.

Pour mettre un terme à la désaffection de l'électorat constatée après la comparution de Clarke, le président Bush a donc envoyé Rice au front. Celle-ci s'est employée à souffler le chaud et le froid en jonglant avec un fait qui suscite depuis quelques jours la curiosité du Tout-Washington. De quoi s'agit-il? Du mémo confidentiel remis au président le 6 août 2001.

Grâce aux questions posées par certains membres de la commission, on sait que l'intitulé de ce rapport était le suivant: Ben Laden est déterminé à attaquer les États-Unis sur leur sol. On sait également, si on en croit Rice, que ce mémo évoquait les 70 enquêtes simultanées que le FBI poursuivait alors sur les cellules dormantes de la nébuleuse terroriste. Cette dernière révélation a fait couler beaucoup d'encre. Et pour cause.

En confiant que le réseau chargé de veiller à la sécurité des Américains sur leur territoire menait 70 enquêtes de front, Rice a tenu à envoyer un message selon lequel l'énormité du travail en cours permettait au président de croire que le FBI avait la situation en main. D'après ses propres mots, le FBI «n'avait pas fait de recommandation sur ce que nous devions faire à cet égard. Le FBI s'en occupait». De quoi? D'al-Qaïda.

Cette précision a heurté certains responsables du FBI, qui se sont empressés de faire savoir, par presse interposée, que l'exposé de Rice devant la commission avait ceci de pernicieux qu'il exagérait l'ampleur des efforts réalisés avant le 11 septembre 2001 pour combattre le terrorisme. De prime abord, la position défendue par ces notables anonymes du FBI pourrait surprendre. Sauf que...

Le FBI a deux hantises: l'une est juridique, l'autre tient de la politique, de celle que mènent entre elles certaines administrations. La première? En chargeant le FBI comme elle l'a fait, Rice l'a rendu de facto plus vulnérable pour tout ce qui concerne l'imputabilité, la responsabilité afférente aux drames du 11 septembre. Ainsi, Bush serait passablement blanchi.

À ce propos, il est intéressant de noter qu'à la suite de la requête formulée par le président de cette commission, selon laquelle la Maison-Blanche devrait «déclassifier» le mémo du 6 août 2001, cette dernière a clairement laissé entendre qu'elle souhaitait donner satisfaction aux membres de la commission. On murmure même, selon le New York Times, que l'administration Bush aurait aimé rendre ce document public hier.

Qui a freiné le processus? Les avocats. Ceux du FBI en particulier, qui analyseraient sous toutes ses coutures le document en question afin d'en évaluer les conséquences. Au passage, on retiendra qu'il y a un an de cela, l'administration Bush s'était opposée avec ardeur à toute communication de ce mémo, alors qualifié de top secret.

La deuxième hantise, d'ordre politique, illustre à quel point les principaux acteurs de l'appareil d'État se livrent, derrière les rideaux, une guerre sourde. En cette histoire, on ne doit pas oublier que le mandat de la commission consiste à faire la lumière sur les attentats mais aussi, voire surtout, à formuler des propositions afin de mener à bien, et plus en profondeur, la réforme bureaucratique amorcée avec la création du Homeland Security Department, ou ministère de la Sécurité intérieure.

Les patrons du FBI, comme ceux de la CIA d'ailleurs, craignent qu'on ne leur retire un certain nombre de pouvoirs ou de compétences qui seraient alloués au nouveau ministère. Autrement dit, ils ont peur de faire les frais de l'exercice de décloisonnement en cours, que la commission va accélérer. Exercice, soit dit en passant, qui se traduira par un rabotage des droits individuels.

Cela étant, le témoignage de Rice ne doit pas faire illusion. Sachant que Bush était au parfum des agissements du FBI, il avait le devoir de hiérarchiser les priorités à la lumière, justement, de ce fait. Lequel? Celui qui stipule que 70 enquêtes, et non quatre ou douze, étaient en cours.

À voir en vidéo