Algérie - L'élection prend fin sur des accusations de fraude

Alger — Les partisans d'Abdelaziz Bouteflika ont salué hier la «victoire» du président sortant à l'élection présidentielle. Les rues d'Alger résonnaient hier soir des coups de klaxon des manifestants alors que la direction de campagne du chef de l'État a annoncé qu'il avait remporté le scrutin avec «plus de 60 %» des suffrages.

Mais une polémique sur la fraude a surgi hier soir entre les partisans du président Bouteflika et trois de ses adversaires, dont son challenger Ali Benflis, avant même la publication des résultats officiels. M. Benflis, ancien homme de confiance de M. Bouteflika, Saïd Sadi et Abdallah Djaballah ont estimé que «des informations» en leur possession indiqueraient qu'aucun des six candidats ne serait élu au premier tour.

Brandissant des affiches à l'effigie du président, les manifestants pro-Bouteflika en voiture ont sillonné les principales artères de la capitale algérienne. Sur la place du 1er Mai, où devaient se réunir les rivaux du président, toute velléité de manifestation hostile à M. Bouteflika semblait écartée par un imposant dispositif de sécurité, dont une dizaine de journalistes de la presse algérienne et internationale ont fait les frais.

Moins de dix minutes après l'heure du rassemblement prévu par les trois candidats rivaux du président, la police, équipée d'armes antiémeutes, et des civils munis de gourdins et de talkies-walkies ont violemment chargé les journalistes venus pour couvrir cette manifestation. Une partie de leur matériel de prise de son et d'images a par ailleurs été confisquée tandis que des grenades lacrymogènes ont été lancées.

Les quelque 18 millions d'électeurs algériens étaient invités à choisir entre six candidats, dont le président sortant Abdelaziz Bouteflika, 67 ans, qui briguait un second mandat de cinq ans. Les résultats définitifs et officiels du scrutin devraient être communiqués demain matin par le ministre de l'Intérieur, Yazid Zehrouni, alors que l'opposition s'apprête à mener «une guerre des chiffres».

Le taux de participation national et définitif au scrutin a atteint 57,78 %, selon le ministère de l'Intérieur. En avril 1999, Bouteflika avait été élu avec 73 % des suffrages et un taux de participation de 60 %.

Plusieurs opposants au chef de l'État, dont son principal rival, l'ancien premier ministre Ali Benflis, 59 ans, secrétaire général du Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique), ont dénoncé des «manoeuvres frauduleuses» dès le début de l'après-midi.

Dénonçant des «irrégularités à grande échelle» et une «volonté de passer en force» du chef de l'État sortant, Ali Benflis, Saïd Sadi (berbériste laïque) et Abdallah Djaballah (islamiste) ont mis en garde, dans un communiqué commun, contre «toute annonce prématurée» en estimant que «les grandes tendances qui se dessinaient allaient vers l'organisation d'un second tour».

Les trois candidats «dénoncent cette attitude contraire à la Constitution, aux lois, à la volonté de la nation», et «invitent [leurs] militants, sympathisants et tous les citoyens à exprimer pacifiquement leur fierté pour le niveau de conscience de la nation [...] qui a poussé ces élections à se dérouler en deux tours».

Répliquant rapidement, également dans un communiqué, la direction de campagne de M. Bouteflika a accusé ses adversaires de vouloir s'imposer en recourant à «la rue».

La transparence du scrutin, qui se déroule en présence de près de 200 observateurs internationaux, le taux de participation et l'éventualité d'un second tour, une hypothèse que le président Bouteflika s'est refusé à envisager, sont les principaux enjeux du premier scrutin présidentiel réellement pluraliste organisé en Algérie depuis l'indépendance, en 1962.

De violents incidents avec les forces de l'ordre ont été constatés dans la commune kabyle de Freha, où plusieurs dizaines de jeunes manifestants ont fait pleuvoir des pierres sur les policiers antiémeutes qui protégeaient le bureau de vote du centre-ville.

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