Des ressortisants étrangers, dont un Canadien, sont enlevés en Irak

La rébellion prend de l’ampleur, à Badgdad comme ailleurs.
Photo: Agence Reuters La rébellion prend de l’ampleur, à Badgdad comme ailleurs.

Bagdad — Ressortissants étrangers capturés, combats meurtriers à Fallouja, dans le «triangle sunnite», révolte dans le sud chiite, où trois villes, dont Najaf, sont tombées partiellement aux mains des partisans de Moqtada al-Sadr: la situation a encore dégénéré hier en Irak, échappant davantage au contrôle de la coalition désormais prise entre deux feux.

La journée a été marquée par l'apparition d'une nouvelle forme de stratégie contre les États-Unis et leurs alliés: le chantage aux otages. Trois Japonais ont été capturés dans le sud de l'Irak par des hommes armés qui menacent de les tuer si Tokyo ne retire pas ses troupes du pays.

Un Canadien qui travaillait pour une organisation humanitaire américaine a été pris en otage en Irak, a indiqué hier un porte-parole du ministère des Affaires étrangères du Canada, Sameer Ahmed. Fadi Ihsan Fadel travaillait pour l'organisation humanitaire «International Rescue Committee quand il a été enlevé», a-t-il précisé.

Selon une source diplomatique, l'otage est d'origine syrienne et a été enlevé mercredi dans le sud de l'Irak, à Koufa, ville située entre Kerbala et Najaf.

Le porte-parole a refusé de «conjecturer» sur l'identité des ravisseurs mais, selon la chaîne CTV, Fadi Ihsan Fadel aurait été enlevé par l'Armée du Mahdi, la milice du chef radical chiite Moqtada al-Sadr.

Chantage contre le Japon

Hier, sept missionnaires sud-coréens ont été enlevés à 250 kilomètres à l'est de Bagdad puis relâchés sains et saufs, a confirmé le ministère sud-coréen des Affaires étrangères.

La presse israélienne rapportait que deux travailleurs humanitaires arabes originaires de Jérusalem avaient été capturés par des insurgés.

La chaîne d'information arabe al-Jazira a diffusé des images vidéo des trois civils japonais enlevés, deux humanitaires, dont une femme, et un journaliste. Les otages, les yeux bandés, apparaissent accroupis par terre devant quatre hommes vêtus de noir, portant des armes automatiques et des lance-roquettes. Devant la caméra, les ravisseurs pressent la lame de couteaux contre le torse ou la gorge des otages terrifiés.

Les ravisseurs, qui se proclament les «Escadrons moudjahidines», ont menacé de les brûler vifs. À Tokyo, le gouvernement disait n'avoir pas encore confirmation de ces enlèvements mais ne voir «aucune raison» de retirer le millier de soldats japonais déployés en Irak, qui ne participent pas à des missions de combat.

Dans le sud, la révolte des partisans de l'imam radical Moqtada al-Sadr, chef de l'Armée du Mahdi, une milice chiite, a encore pris de l'ampleur. Ses hommes se sont emparés de la ville de Kout, que les soldats ukrainiens avaient abandonnée mercredi, et contrôlaient partiellement Najaf, a confirmé hier le général Ricardo Sanchez. Mais le commandant des forces américaines en Irak a ajouté que les troupes de la coalition allaient intervenir de façon «imminente» pour reprendre ces villes.

Des habitants de Koufa ont également rapporté que des miliciens avaient pris les commissariats et les bâtiments publics de la ville. À Kerbala, les soldats polonais et bulgares ont combattu toute la nuit pour repousser une attaque de combattants chiites, selon un porte-parole du contingent polonais en Irak.

Dans le «triangle sunnite», pour la deuxième journée consécutive, de violents combats avaient lieu à Fallouja, où les Marines américains ont lancé une vaste opération en début de semaine.

L'armée américaine a annoncé la mort d'un Marine, sans autres détails. Par ailleurs, trois membres de la première division d'infanterie ont été tués mercredi et hier dans diverses attaques des rebelles sunnites. Un quatrième est décédé des suites de ses blessures après une attaque la semaine dernière. Au total, 40 Américains ont été tués en Irak depuis lundi.

Miliciens et pèlerins

Selon le directeur de l'hôpital de Fallouja, Taher al-Issawai, plus de 280 Irakiens ont été tués depuis le début de l'opération, tôt lundi matin, contre cette ville située à 55 kilomètres à l'ouest de Bagdad et qui n'a jamais accepté la présence étrangère.

Enfin, les soldats américains ont combattu toute la nuit des miliciens de l'Armée du Mahdi, dirigée par le dirigeant chiite radical Moqtada al-Sadr, dans un de leurs principaux bastions à Bagdad, le quartier de Sadr City. Un hélicoptère a attaqué le bureau du jeune mollah peu avant l'aube hier. D'importants dégâts ont été causés au bâtiment et il y aurait un certain nombre de blessés.

Le général Sanchez a évoqué hier de possibles liens aux «échelons les plus bas» entre la milice chiite, qui s'est heurtée aux forces de la coalition dans au moins six villes du sud cette semaine, et les insurgés sunnites, qui luttent contre l'occupation américaine dans le centre du pays, notamment à Fallouja et Ramadi.

Il a par ailleurs laissé entendre que la présence de centaines de milliers de pèlerins chiites venus à Najaf à l'occasion de la fête religieuse d'al-Arbaïn ce week-end entravait la réaction de la coalition.

De son côté, l'administrateur civil américain Paul Bremer a mis en garde les pèlerins, qui doivent savoir «que les dangers cette année sont très réels».

Bremer «mécontent»

Le ministre irakien de l'Intérieur, Nouri Badrane, a annoncé hier sa démission, affirmant que l'administrateur américain en Irak, Paul Bremer, était mécontent de l'action de son département.

M. Badrane, né en 1943, un chiite qui a servi dans le gouvernement du régime déchu de Saddam Hussein comme ambassadeur en Russie, avait fui l'Irak lors de l'invasion du Koweït, en 1990, pour rejoindre l'Entente nationale irakienne, mouvement d'Iyad al-Allaoui.

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