La révolte s'accentue en Irak

Les slogans de violence prennent de l’ampleur dans les rues agitées de Bagdad, repris comme un écho par les chiites radicaux depuis quelques jours. Hier, dans le quartier Sadr, une banlieue de la capitale irakienne, des hommes armés membres du mouve
Photo: Les slogans de violence prennent de l’ampleur dans les rues agitées de Bagdad, repris comme un écho par les chiites radicaux depuis quelques jours. Hier, dans le quartier Sadr, une banlieue de la capitale irakienne, des hommes armés membres du mouve

Bagdad — La révolte sanglante des partisans du chef chiite radical Moqtada al-Sadr contre la coalition et les violences ailleurs en Irak se sont poursuivies hier, 48 heures avant le premier anniversaire, demain, de la chute de Saddam Hussein.

Une série d'explosions et d'échanges de tirs ont été entendus hier soir dans le centre de Bagdad, où la tension demeure vive après les affrontements meurtriers entre chiites radicaux et forces américaines.

Le secrétaire américain à la Défense, Donald Rumsfeld, a reconnu hier que les violences en Irak constituent un «sérieux problème» qui nécessitera sans doute de prolonger la mission de certains soldats américains déployés tout en insistant sur le nombre «relativement faible» des insurgés, selon lui.

Les violences de ces derniers jours en Irak sont le fait «d'un petit nombre» d'éléments extrémistes, a aussi insisté le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan.

Il a indiqué que le président américain George W. Bush, qui passe ses vacances de Pâques dans son ranch de Crawford, au Texas, avait été tenu informé tout au long de la journée des développements de la situation en Irak et avait participé par vidéoconférence à deux réunions de son Conseil national de sécurité.

Les Marines n'ont pas hésité à bombarder hier une mosquée de la ville sunnite de Fallouja, à l'ouest de Bagdad, croyant y avoir tué une quarantaine de rebelles, pour n'y découvrir plus tard aucun corps.

Au même moment, le plus grand des chefs chiites en Irak a appelé à la fin du conflit armé entre les radicaux de sa communauté, conduits par le jeune chef radical Moqtada al-Sadr, et la coalition, qui ont fait quelque 120 tués en quatre jours.

Les Marines ont pris pied dans le centre de Fallouja, à 50 kilomètres à l'ouest de Bagdad, au prix de combats acharnés qui ont fait 46 morts parmi les Irakiens depuis mardi soir, selon des sources hospitalières. Des dizaines d'autres avaient été tués les deux jours précédents, sans compter les blessés. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a demandé aux belligérants de permettre l'accès à l'hôpital de la ville rebelle.

L'attaque contre la mosquée a eu lieu après des combats qui ont fait un tué et cinq blessés parmi les Marines. Le général Mark Kimmitt, le chef adjoint des opérations militaires américaines en Irak, a affirmé qu'il n'y avait «pas d'autre solution» que d'attaquer la mosquée.

Quatorze GI's ont été tués hier et mardi dans des attaques de la guérilla dans la zone de Bagdad, ce qui porte le bilan des pertes américaines à 632, dont 442 au combat, depuis le début de la guerre, il y a plus d'un an. M. Rumsfeld a affirmé que les États-Unis ne laisseront pas le chef chiite radical Moqtada al-Sadr «s'en tirer sans rendre de comptes».

Des inconnus ont attaqué hier à la roquette antichar une patrouille américaine qui a riposté, tuant deux assaillants et blessant plusieurs pèlerins chiites au sud de Bagdad, a indiqué un témoin. Le grand ayatollah Ali Sistani a appelé, dans une fatwa (avis religieux), à «régler les problèmes en Irak de manière pacifique afin d'éviter davantage de chaos et d'effusions de sang». «Nous appelons à régler les problèmes avec sagesse et par la voie pacifique et à éviter toute action de nature à entraîner une escalade de la violence, davantage de chaos et d'effusions de sang», a dit dans son avis ce dignitaire vénéré par les chiites d'Irak.

De nouvelles médiations ont été effectuées par des formations islamiques auprès de Moqtada al-Sadr pour ramener le calme dans les villes chiites, mais elles n'ont rien donné, a déclaré un de ses proches hier. Moqtada al-Sadr, qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt, a appelé hier le Koweït à exiger le départ des troupes américaines déployées sur son territoire.

M. Rumsfeld a reconnu que la ville sainte chiite de Najaf n'était plus sous le contrôle de la coalition. Les troupes de la coalition ont été obligées de se retirer de la ville de Kout, dans la province de Wassit (180 kilomètres au sud de Bagdad), après que des soldats eurent été pris en otages par des tribus, a indiqué à Najaf un proche de Moqtada al-Sadr.

À Nasiriya (375 kilomètres au sud-est de Bagdad), le calme était revenu hier à la suite d'un compromis entre l'armée italienne et la milice chiite, après des affrontements meurtriers qui ont encore fait 15 tués parmi les Irakiens mardi.

Le ministre jordanien des Affaires étrangères, Marwan Moasher, a fait part de sa crainte d'une guerre civile à la suite des affrontements entre partisans de Moqtada al-Sadr et forces de la coalition.

La Ligue arabe a demandé à l'ONU d'intervenir «immédiatement» pour arrêter les combats en Irak tandis que le comité des oulémas sunnites a annoncé la suspension de tout contact avec l'ONU tant qu'elle n'aura pas condamné le siège et les opérations contre Fallouja. La Bulgarie a demandé hier que les forces de la coalition en Irak renforcent leur présence militaire à Kerbala (sud), où le contingent bulgare a été attaqué, a annoncé le chef de l'état-major de l'armée bulgare, le général Nikola Kolev.

Huit Irakiens ont été tués hier et plusieurs autres blessés dans la région de Kirkouk (nord) lors d'affrontements entre des soldats américains et des manifestants qui protestaient contre l'intervention à Fallouja, selon la police et des médecins. Le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini, a réaffirmé que Rome conservait ses forces en Irak mais a souhaité un engagement majeur de l'OTAN et de l'ONU.

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